Dans le cadre de notre série de chroniques des classiques de la musique japonaise, retour sur un des albums majeurs du mouvement visual kei.
En 1989, X Japan (alors X), groupe dont la notoriété et l’influence dépassent aujourd’hui largement les frontières du Japon, vient de signer un contrat chez CBS Sony après avoir rencontré un succès d’estime suite à la parution de son premier album, Vanishing Vision. La formation menée par Yoshiki reprend alors le chemin des studios avec la volonté de transformer l’essai et de s’affirmer véritablement sur la scène rock de l’époque. Le résultat final dépassera toutes les attentes et l’album s’imposera comme une des pierres angulaires de la J-music.
Si le premier opus bénéficiait déjà d’une cohésion et d’une identité forte, Blue Blood en reprend les caractéristiques pour mieux les sublimer. On retrouve le mélange de hard rock et de musique classique qui faisait l’originalité de Vanishing Vision, et ce dès la piste d’introduction instrumentale, Prologue (~ World Anthem). Cette composition originale de Frank Marino, épique et mélodique, sera par la suite fréquemment utilisée lors des spectaculaires concerts du quintette.
À l’écoute de l’excellente deuxième piste éponyme, la partie semble déjà gagnée pour X Japan : le morceau est puissant, heavy et mélodique. Les musiciens sont tous d’un niveau redoutable : Yoshiki est impressionnant de puissance à la batterie, Pata et hide se montrent d’une grande efficacité aux guitares, la basse de Taiji groove avec virtuosité et ToshI interprète le titre de sa voix unique en s’aventurant sans difficulté dans des registres très aigus. Ce premier titre cristallise toute la maîtrise du groupe de même que le talent d’écriture et l’ambition du leader.
La suite de l’album, éclectique, est globalement d'aussi bonne qualité. La capacité du quintette à composer des tubes rock est évidente sur des chansons comme Week End, Orgasm (sorti en démo auparavant), Kurenai (présent dans une autre version, moins convaincante, sur Vanishing Vision) ou encore X, l’hymne de la formation. Gage de leur potentiel, ces morceaux seront très fréquemment joués en concert, y compis ces dernières années.
L’album contient également deux superbes ballades, Endless Rain et Unfinished. La première, véritable chef d’œuvre, peut être considérée comme un des meilleurs titres d’X Japan avec sa mélodie puissante, son orchestration symphonique et son superbe solo de guitares. Présente dans une version bien moins aboutie sur l’opus précédent, la seconde est extrêmement bien écrite et l’on peut juste regretter l’absence de solo de guitare qui aurait pu la hisser au rang de plus belle ballade du groupe. Ces deux perles sonores permettent en outre d'apprécier les talents de pianiste de Yoshiki.
Trois titres sont toutefois moins convaincants que les autres. Le premier, Easy Fight Rambling, est une chanson hard rock 80’s sans l’originalité qui fait toute la saveur du groupe. L’instrumental XClamation déçoit par son intérêt relatif et son manque de cohésion par rapport au reste de l’album, même s’il permet d’apprécier les talents de bassiste de Taiji. Enfin, Celebration, composée par hide, est malheureusement bien moins bonne dans cette version chantée par ToshI que dans celle que le célèbre guitariste interprétera lui-même sur scène par la suite.
Enfin, Rose Of Pain, pièce épique de presque douze minutes qui préfigure le chef d’œuvre Art Of Life publié quatre ans plus tard, prouve si besoin est les capacités de Yoshiki à écrire des pièces musicales exceptionnelles, sombres et poétiques, tout en parvenant à une fantastique fusion des genres entre classique et hard rock.
X Japan réussit donc l’exploit de sortir un grand album devenu une référence incontournable dans le monde de la J-music et du rock en général, le slogan présent sur la pochette donnant son nom au mouvement visual kei. Blue Blood, malgré la production décevante qui ne donne pas aux morceaux l’écrin sonore qu’ils méritent, est l’album de la consécration pour la formation, qui choisira d’ailleurs d’appliquer la même recette sur l’opus suivant, Jealousy, où le manque de prise de risque sera compensé par un bien meilleur son et des compositions globalement toujours aussi bonnes.
Yoshiki, véritable âme du groupe, signe ici huit des douze compositions et en co-signe une, ce qui illustre une fois de plus sa domination au sein du quintette.
Consécutivement à la sortie de l’album, X Japan entreprendra le mythique Blue Blood Tour pour défendre le disque sur scène (malheureusement interrompu suite à une blessure du leader lors d’une représentation), permettant aux morceaux de prendre une autre dimension lors des concerts magistraux des désormais légendaires fondateurs du visual kei.