On oublie tout au soleil d'un jour nouveau.
L'ami Kiyoharu, tout occupé qu'il était avec SADS et Kuroyume, avait délaissé sa carrière solo, l'artiste n'ayant pas sorti d'album depuis madrigal of decadence en juillet de l'année 2009, et le single LAW'S début 2010. Les fans l'attendaient donc de pied ferme en se nourrissant de tout ce qui tombait ailleurs avec sa voix, mais force est de reconnaître que l'atmosphère SADS n'est pas la même et que celle de Kuroyume s'en approche de plus en plus. Avec le single Ryuusei / the sun paru en mai dernier, Kiyoharu comblait trois ans d'attente en promettant monts et merveilles à travers trois pistes bien élaborées et leur atmosphère propre. Partons donc sans plus attendre voir ce qu'UNDER THE SUN a dans le ventre !
Le morceau le plus important d'un album, c'est son introduction. Si vous ne savez pas ouvrir sur une piste instrumentale, tâchez toujours de mettre une composition efficace qui donnera envie d'écouter la suite. Kiyoharu ne fait généralement pas de détours pour savoir si la piste d'ouverture donnera le ton à l'opus, c'est au contraire un domaine de liberté où il exprime son art en expérimentation souvent électronique, rarement intéressante ou même harmonieuse. Pourtant, cette fois-ci la tendance est inversée et WALK ON THE MOON est peuplée de rappels à de précédents albums, sur les arrangements de madrigal of decadence. Se pourrait-il que le chanteur donne dans une composition rappelant ses premières armes qu'étaient poetry, MELLOW et Kannou Boogie ? Tout porterait à le croire.
Comment en douter ? Retenons les pistes déjà parues depuis mai : LAW'S était connue de tous les fans et pour cause, composée pour le jeu Wii Resident Evil - The Darkside Chronicles, elle était parue deux années auparavant en single, en deux versions différentes déjà à l'époque. LAW'S -New Take- vient s'y ajouter mais les changements sont très minimes. Les suppliques "LAW'S ! Follow me !" de Kiyoharu dans l'introduction ont été rapprochées et le pont ainsi que le solo du morceau lèvent le rideau sur de nouveaux arrangements. Mis à part ces quelques modifications et le désormais traditionnel - rappelons que LAW'S a été livrée au public très peu de temps après la sortie de madrigal of decadence - synthétiseur au son électronique envahissant, rien de nouveau : ce morceau connu pour son efficacité la conserve tout entière ! Suit the sun dans une version album revisitée avec quelques mixes électro par-dessus ce rock collaboratif qui a eu le temps de s'installer depuis la sortie du single. On sent enfin vraiment l'influence d'INORAN dans son entièreté à travers ce remix, bien que la guitare semble mise de côté tant le premier solo est noyé dans la masse des samples. Les deux artistes, bien coutumiers de la programmation électro-rock, se complètent admirablement sur ce morceau et la production léchée lui donnent un feeling dansant sans précédent. the sun trouve enfin les accents du mariage contrairement à sa version single qui était trop édulcorée et où la patte d'INORAN sombrait un peu dans le flot des guitares. Néanmoins, le mixage d'un titre single pour un album chez Kiyoharu n'est pas toujours aussi réussi : prenons pour preuve Darlene issue de madrigal of decadence, qui d'un morceau fédérateur est passé au rang de boucle refrain étouffée par les séances de traitement en studio, ce dont Ryuusei n'hérite pas du tout. Laissée volontairement intacte, cette ballade électrique digne des meilleures du chanteur fournit donc toujours les mêmes frissons. Il est juste bizarre après l'avoir écoutée tant de fois avant the sun de la retrouver après ce dernier. Ryuusei reste ainsi un morceau charnière qui devrait être aux côtés d'Alstroemeria, Aurora, Emily ou Slow pour découvrir et faire découvrir le chanteur.
Parlons nostalgie ! Après Emily que Kiyoharu nous a présentée il y a maintenant près de dix ans, et Darlene qui avait, rappelons-le, énormément souffert dans sa présentation en album, le poste devait se libérer pour faire place à une petite nouvelle. Mais tout de même, ce qui frappe en observant la tracklist d'UNDER THE SUN, c'est la somme de prénoms féminins ! JUDIE, Veronica et ALICE se livrent une guerre musicale pour déterminer qui sera la plus belle et la mieux bâtie : JUDIE tout d'abord, présentée par Miyavi en featuring, est une chanson aux accents punk extasiés par une basse très présente, jouée au médiator et sans concession. La guitare de Miyavi prend le même accent, l'artiste livre un anthologique morceau rock avec son jeu de guitare si particulier. La deuxième, Veronica, annonce le retour de la dominante acoustique de l'artiste. Une composition medley du chanteur dans laquelle nous retrouvons un peu de tout ce qui a fait décoller sa carrière solo, de poetry à Kannou Boogie. Les épaules bougent au rythme du refrain et Kiyoharu ressort de ses placards un pur five-star solo, la bataille va semble-t-il être rude. Enfin, ALICE telle Gandhi opte pour la non-violence en empruntant un peu d'orchestre et se fait cotonneuse comme un nuage blanc, planant entre un jeu de batterie souple et lent, des guitares plus qu'apaisées et des accords aériens, un chant implorant mais posé, en opposition, lors des refrains, et ces violons prenants. Trois muses bataillent ferme dans cet album, chacune à sa façon. Difficile d'annoncer qui de Veronica, d'ALICE ou de JUDIE l'emportera. Ou de choisir entre les trois, aussi brillantes l'une que l'autre, entre charme arrogant, nostalgie touchante et insouciance apparente...
Avec tout ce petit monde, l'artiste a déjà bien construit son nouveau projet. Mais une nouvelle composition laissant libre cours aux guitares vient s'y glisser, elle a pour nom Yesterday et part d'une mélodie simple avec une ligne de chant toujours implorante, marque déposée du chanteur. À défaut d'en faire une ritournelle entre électrique et acoustique, il préfère lui donner un charme particulier et en fait une composition accessible en optant pour un rock au tempo ralenti. Yesterday succède ainsi agréablement à LAW'S sans souffrir de la comparaison et on voit déjà en live s'élever les briquets dans un geste uniforme et onduler au rythme de la batterie pour un refrain envoûtant. D'autant plus quand Kiyoharu est en train de fumer sur scène. Les briquets ne s'éteindront pas maintenant par ailleurs, puisque la structure de la galette présente une disposition assez troublante. En effet, là où les ballades devraient se disperser pour ne pas lasser l'auditeur, UNDER THE SUN opte pour une division en deux parties hétérogènes, l'une profondément rock, l'autre plus calme. L'erreur étant la succession de pas moins de trois ballades ! N'était-ce pas trop ? Néanmoins, pour mieux justifier cet agencement, après l'acoustique Veronica, Namida ga afureru laisse le piano faire son entrée. C'est rarement arrivé dans la carrière solo de l'artiste, mais la chanson qui s'offre alors à nos tympans se pare de tout ce qui lui passe sous la main. Cet arlequin orchestral en diable libère quelques plaintifs arpèges de guitare pour meubler les silences du chanteur, mélancolique et plein d'énergie. En terme de variation, Namida ga afureru peut même se vanter d'être la meilleure composition de tout l'album. ALICE lui emboîte le pas et Messiah la suit, avec un riff complètement hypnotisant joué par des guitares en arrière-plan. Pour une structure atypique, la réussite est quand même là et l'impression de remplissage ne vient même pas à l'esprit. Le morceau éponyme vient mettre fin à l'expérience en revenant sur le terrain du rock, mais en douceur encore, pour ne pas bousculer complètement la ligne musicale.
L'artiste s'excuse pour sa longue absence avec une grande classe dans son retour au format longue durée. Les faiblesses notées dans madrigal of decadence semblent oubliées et si les remixes malvenus ne sont plus complètement de mise, l'usage de l'électronique dans la composition n'est pas encore tout à fait au point mais est au moins satisfaisante. En levant le jour sur trois nouveaux fantasmes musicaux, Kiyoharu va même dans la surenchère ! Une introduction à l'ancienne qui annonce enfin à quoi s'attendre, des invités bien choisis dont les collaborations, sans recouvrir complètement ceux du chanteur, portent l'empreinte en un tatouage indélébile, l'arrivée de l'orchestre tardive dans la carrière de l'artiste mais ô combien efficace et bien dirigé, et pour finir des compositions admirablement menées avec la nostalgie des années poetry et MELLOW, tout est là pour combler. C'est même trop. Submergé par l'émotion, on referme le boîtier avec une certaine ivresse, cette même ivresse que l'amateur de littérature qui ayant fini un livre, ne peut se départir de cette impression étrange d'avoir rencontré un ami fidèle, l'amour, ou un destin tragique, et ne parvient à s'empêcher d'y replonger tête baissée, pourtant bien conscient des risques.