Le compositeur de musique de jeux vidéo Shibata Tetsuya, créateur des bandes originales de Devil May Cry, Monster Hunter et Resident Evil: Outbreak, s’est entretenu avec JaME à propos de sa carrière.
Le compositeur Shibata Tetsuya, connu pour avoir créé les musiques de plusieurs titres vidéoludiques tels qu’Auto Modellista, Resident Evil: Outbreak, Monster Hunter et Devil May Cry, s’est entretenu avec JaME sur sa carrière.
Dans la mesure où certains de nos lecteurs ne sont peut-être pas familiers avec votre travail, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Shibata Tetsuya : Je m’appelle Shibata Tetsuya. J’ai commencé à travailler chez Capcom comme compositeur en chef après avoir été diplômé de l’université. J’ai composé les musiques de jeux tels qu’Auto Modellista, Resident Evil: Outbreak, Monster Hunter, Devil May Cry, etc. Après avoir quitté Capcom en 2009, j’ai fondé ma propre entreprise nommée Unique Note avec Yoshino Aoki, ma consœur compositrice chez Capcom.
Quels musiciens font partie de vos influences ?
Shibata Tetsuya : A la base, j’aime la musique classique et j’écoutais beaucoup de morceaux créés par des compositeurs comme Schubert et Bizet. J’avais un groupe au lycée, nous aimions beaucoup Led Zeppelin, Aerosmith, Guns N’ Roses, et beaucoup d’autres groupes de rock. J’étais très influencé par le jazz à l’université, par des artistes tels qu’Oscar Peterson et Makoto Ozone.
Où puisez-vous votre inspiration ? Que faites-vous lorsque vous êtes en manque d’inspiration ?
Shibata Tetsuya : Je pense que plus que l’inspiration, mes morceaux sont le résultat de l’influence que j’ai reçue des compositeurs que j’ai écoutés. Je pense qu’écouter une grande diversité de genres musicaux a forgé mon propre style. Cela ne veut pas dire que je ne suis plus inspiré ; j’écoute constamment de nouvelles musiques et je suis capable de créer de nouveaux sons grâce à cela.
Qu’est-ce qui vous attire tant dans la musique de jeux vidéo ?
Shibata Tetsuya : C’est la façon dont la musique va affluer quand le joueur interagit avec le jeu. En d’autres termes, quand les gens jouent à un jeu, la musique est débitée en fonction de leur façon de jouer et des événements se déroulant dans le jeu. Nous, compositeurs de musique de jeux vidéo, créons nos partitions en imaginant ce que nous voulons que le joueur ressente à ces moments précis.
Êtes-vous un gamer vous-même ?
Shibata Tetsuya : Je jouais à beaucoup de jeux sur NES et SNES quand j’étais à l’école. Mais je ne peux pas dire que je sois vraiment un gamer à l’heure actuelle.
Quelle est votre musique de jeux vidéo préférée ?
Shibata Tetsuya : J’aime vraiment beaucoup la musique de Super Mario et de The Legend of Zelda. La musique de Super Mario est celle que je connais le mieux, tandis que la musique de Zelda retranscrit les événements se déroulant dans le jeu donc elle marque vraiment les esprits.
Vous avez travaillé sur de nombreux morceaux durant votre carrière. Quelle est votre première pensée lorsque vous regardez vos premiers travaux ?
Shibata Tetsuya : Les logiciels étant limités, j’avais l’habitude de faire des morceaux simples avec des sons basiques. C’était un vrai défi. Ce n'est toutefois plus le cas aujourd’hui car la technologie a bien avancé.
Parmi toutes les musiques sur lesquelles vous avez travaillé pour Monster Hunter, Resident Evil et Devil May Cry, lesquelles préférez-vous ?
Shibata Tetsuya : Je les aime toutes beaucoup, mais Devil May Cry m’a laissé le souvenir le plus marquant car j’étais en charge de la composition. Je suis également allé voir le doublage à Los Angeles et pendant que j’écoutais la rhétorique et la tension dont était emprunte chaque phrase de chaque scène, je me disais « Quel genre de musique devrais-je composer ? ».
Y a-t-il une composition sur laquelle vous avez travaillé mais dont la tournure finale ne vous a pas entièrement satisfait ?
Shibata Tetsuya : Je ne dirais pas que je ne suis pas satisfait de certains morceaux sur lesquels j’ai travaillé, mais pour un jeu en particulier il m’avait été demandé de créer des compositions d’un certain genre, et durant tout le temps je pensais « Mais ce style musical irait tellement mieux ». Cependant, je compose ce qui m’est demandé avec tout mon cœur, donc je ne peux pas dire que je suis insatisfait.
Y a-t-il un style musical que vous trouvez particulièrement difficile à composer ?
Shibata Tetsuya : Rien en particulier. Je pense que j’ai tout entendu, quel que soit le genre de musique, et je suis toujours à la recherche de nouveautés.
Cela fait quelques années que vous avez quitté Capcom pour fonder Unique Note. Comment s’est déroulée cette aventure ?
Shibata Tetsuya : Il y a eu de nombreuses difficultés à la création de cette entreprise. Tout d’abord, il a fallu dire au revoir à un mode de vie stable et accepter le risque que représente un nouveau départ. Il y a également eu le défi de conquérir de nouveaux clients qui n’aient pas de liens avec Capcom. J’ai finalement été en mesure de rassembler des gens issus de différentes compagnies, mais les débuts ont été vraiment ardus. J’ai connu la difficulté de travailler comme employé d’une entreprise au sein de laquelle je ne pouvais pas faire mes propres expériences, mais avec ma force, et aussi parce que j’ai été capable d’utiliser la force de mes partenaires pour surmonter les épreuves, je pense que j’ai réussi à grandir.
Avez-vous déjà regretté votre décision d’avoir quitté Capcom ?
Shibata Tetsuya : Jamais. J’ai pu avancer sur mon propre chemin, et grâce à cela, j’ai pu expérimenter de nombreuses choses que je n’étais pas en mesure de faire chez Capcom. Les bonnes et les mauvaises choses dépendant de moi et je suis heureux d’avoir relevé le défi.
Sur quels projets avez-vous récemment travaillé ?
Shibata Tetsuya : J’ai récemment travaillé sur des musiques pour des jeux tels que Monter Hunter Online - Tencent et le jeu sur portable Mercstoria.
Pouvez-vous nous raconter un incident amusant qui vous est arrivé durant votre travail ?
Shibata Tetsuya : J’ai dû voyager entre Tokyo et San Francisco pour le travail. Après avoir regardé plusieurs fois le visage de la personne qui se tenait devant moi quand j’étais à l’aéroport, j’ai réalisé qu’il s’agissait d’une de mes connaissances étasuniennes qui réside à Los Angeles. Elle était en transit sur un vol retour au départ de la Chine pour San Francisco et faisait escale au Japon. Elle rentrait à Los Angeles et je n’arrivais pas à croire que nous voyagions dans le même avion. J’ai pensé que le monde est vraiment petit. J’ai également eu de bonnes expériences à La Réunion où j’ai résidé pendant deux semaines. J’y ai donné une conférence sur la production de jeux vidéo.
A quoi ressemble un jour de repos pour vous, si tant est que vous en ayez ?
Shibata Tetsuya : Je prends rarement des vacances dans l’année. Quand je me dis « Je vais me reposer aujourd’hui », je finis par le faire, mais je pense que je travaille plus de 350 jours par an. Au mieux, je dors si j’ai attrapé froid. (rires).
Pensez-vous à sortir une compilation de vos travaux sur CD ou au format numérique ?
Shibata Tetsuya : Je pense actuellement à sortir prochainement mes morceaux. Mais il ne s’agira pas de musique de jeux, ce seront mes productions originales.
Avez-vous un conseil à donner aux gens qui souhaiteraient embrasser une carrière dans la musique de jeux vidéo ?
Shibata Tetsuya : Écoutez tous les genres de musique. Même si vous avez un style préféré ou un genre que vous pensez être votre point fort, les aptitudes musicales requises pour ce travail sont nombreuses. Je pense que le rock et la musique orchestrale, a minima, sont indispensables.
Que pouvons-nous attendre de vous dans le futur ?
Shibata Tetsuya : Tout d’abord, je vais continuer mon travail sur plusieurs jeux dont ceux sur lesquels je travaille actuellement. Mes productions originales vont également sortir très bientôt.
Avez-vous un message pour les lecteurs de JaME ?
Shibata Tetsuya : La musique de jeux vidéo est composée de plusieurs genres. Vous pouvez donc écouter tous les styles de musique à la mode à chaque époque grâce aux jeux vidéo. Alors amusez-vous et profitez-en bien !
JaME souhaiterait remercier Shibata Tetsuya pour avoir rendu cette interview possible.