Le chanteur de visual kei enka Mogamigawa Tsukasa, aussi connu pour être le batteur de THE MICRO HEAD 4N'S, a récemment sorti son premier album complet en tant qu'artiste solo. Il s'est assis avec JaME pour discuter de cet opus et de sa vision de la musique mêlant enka et rock.
Beaucoup de temps a passé depuis notre dernière interview. Pourriez-vous nous parler de ce que vous avez fait depuis ?
Mogamigawa Tsukasa : J'ai fait beaucoup de prestations d'enka aussi bien sur scène qu'à la télévision et à la radio. A côté de cela, j'ai également été actif en tant que batteur. Pour résumer cela simplement, j'ai fait beaucoup de choses et ne me suis pas tellement reposé. Mais j'ai quand même eu quelques jours de répit. (rires)
Vous avez sorti votre premier album d'enka, Oku no utamichi, il y a peu de temps. Qu'avez-vous ressenti lorsque vous avez tenu votre premier opus dans vos mains ?
Mogamigawa Tsukasa : Pendant seize ans et jusqu'à maintenant, j'ai été membre de plusieurs groupes, alors tenir dans mes mains mon travail en tant qu'artiste solo, qui plus est un album, est une joie qui ne peut être décrite simplement avec des mots. Ce fût également un sentiment étrange de me dire qu'il s'agissait de mon album, à moi seul.
Qu'est-ce qui a été le plus amusant lors de l'enregistrement de cet album ? Y a-t-il une anecdote réjouissante que vous aimeriez partager avec nous ?
Mogamigawa Tsukasa : Pour tous les morceaux, j'ai pu chanter avec plaisir. C'était amusant de chanter, aussi amusant que jouer de la batterie. Chanter était le plus réjouissant. Quant à une anecdote, j'ai eu une bronchite durant la session d'enregistrement, et je toussais beaucoup. Je donnais également des représentations durant cette période, mais enregistrer dans cet état a été difficile.
Pour Oku no utamichi, vous avez choisi de faire des reprises de chansons originaires de la région de Tohoku. Pourquoi avoir fait un tel choix ?
Mogamigawa Tsukasa : Au départ, je voulais choisir des morceaux représentant le Japon, mais je viens de Yamagata, qui se situe dans la région de Tohoku, et il y a de nombreuses chansons célèbres de cet endroit que j'ai décidé d'interpréter. Je voulais montrer ma reconnaissance envers ce lieu où je suis né et où j'ai grandi, qui est bien sûr Yamagata mais aussi la région de Tohoku, donc j'ai décidé de choisir des chansons connues originaires de cet endroit.
Il doit y avoir de nombreuses chansons dans la région de Tohoku, comment avez-vous opéré votre choix ?
Mogamigawa Tsukasa : J'ai choisi des morceaux que j'écoutais souvent étant enfant et que j'aimais beaucoup. Mais quand vous dites Tohoku, vous pensez au séisme de 2011 de la côte Pacifique du Tohoku. Une chanson est née de cet événement, elle s'appelle Hana wa saku, et j'ai pensé que si je choisissais d'interpréter des morceaux originaires de cette région, alors je me devais de chanter celui-ci. Par le passé je ne l'ai jamais chanté, mais écouter Kita no hanayome me rend très heureux, alors j'ai décidé de l'inclure également.
Miso shiru no uta semble être une chanson très drôle. Comment s'est passé l'enregistrement de ce morceau ?
Mogamigawa Tsukasa : J'ai interprété cette chanson lors de nombreux événements et j'ai pu l'enregistrer facilement. C'est une chanson originellement interprétée par Sen Masao, qui est également originaire de Tohoku et qui a un fort accent, donc comme je viens du même endroit j'ai essayé d'utiliser le dialecte de la région durant les parties parlées. Mais je me suis trop bien acclimaté à Tokyo, donc je n'étais pas sûr de parler le « vrai » dialecte de Yamagata. Je crois que je suis devenu un véritable citadin et cela m'a un peu inquiété. J'aurais dû avoir un accent beaucoup plus prononcé !
Sur cet album figure la version anglaise de votre propre composition MATSUPOIYO. Comment vous êtes-vous préparé à chanter dans cette langue ?
Mogamigawa Tsukasa : J'ai reçu les paroles en anglais avant le début de l'enregistrement… Apparemment « matsupoi » signifie « shining ever brighter » en anglais (« briller de plus en plus » en français). Je m'entraînais à dire cette phrase sans relâche, étant donné que je la prononce à la toute fin de la chanson. Pour être honnête, je ne connais pas grand-chose à l'anglais, donc c'était difficile pour moi de juger ma prestation. Parfois, je vois à la télévision les étrangers qui ne maîtrisent pas très bien le japonais s'appliquer pour s'exprimer le mieux possible, j'ai pensé que je devais faire pareil mais dans l'autre sens. Mais je pense que si vos sentiments sont ressentis par les autres, c'est le plus important.
Si vous aviez la possibilité de reprendre d'autres morceaux, quelles chansons d'enka choisiriez-vous ?
Mogamigawa Tsukasa : Cela dépend du thème de l'album, mais dans tous les cas – c'est peut-être égoïste – je voudrais chanter des chansons que j'aime. Je veux chanter tous les morceaux qui ressemblent à de l'enka, ainsi que des chansons célèbres avec du kobushi (NDLR : type de mélisme utilisé dans plusieurs genres musicaux, dont l'enka). Je veux interpréter une grande variété de chansons.
Lors de l'enregistrement de cet album, qu'est-ce qui vous a semblé différent ou nouveau par rapport à l'enregistrement de morceaux de rock ou de visual kei ?
Mogamigawa Tsukasa : Mon rôle est différent, et enregistrer du chant était une première pour moi, donc tout était nouveau. C'est difficile de pointer précisément les différences, parce que je n'occupe pas la même fonction. Dans tous les cas, c'était très amusant et j'ai pris du plaisir à le faire !
Certains artistes expliquent qu'ils sont deux personnes différentes lorsqu'ils sont sur scène et en dehors. Dans votre cas, vous êtes à la fois Mogamigawa Tsukasa et TSUKASA. Diriez-vous que ce sont deux entités différentes ou que vous êtes toujours le même ?
Mogamigawa Tsukasa : Je pense qu'il y a une différence, mais mon rapport à la scène reste identique. L'échauffement avant de monter sur scène est différent, évidemment. C'est comme la différence entre un club d'athlétisme et un club culturel. Le fait que je souhaite divertir les gens reste le même, mais l'esprit dans lequel je le fais est différent. Se préparer à jouer de la batterie est un entraînement très physique (il explique en mimant un jeu de batterie), mais pour l'enka je suis très calme. C'est comme être « statique » et « dynamique » - quand je joue de la batterie, c'est mon côté déchaîné qui prend le dessus, alors que pour l'enka c'est mon côté calme.
Du fait de votre aventure dans l'univers de l'enka, de nombreux étrangers ont été piqués de curiosité et ont commencé à s'intéresser à ce style musical. Pensez-vous être en quelque sorte un pont entre le rock et l'enka ?
Mogamigawa Tsukasa : Vraiment ? (excité) Si vous y réfléchissez, normalement l'enka et le rock sont très différents, mais en moi ils étaient liés dès le début. Je comprends les sentiments des fans de rock qui n'écoutent pas d'enka, et ceux des fans d'enka qui n'écoutent pas de rock, mais j'aime les deux, c'est pourquoi je fais cela. Pour moi, ils sont la même chose. Leurs sonorités sont différentes, mais leur âme… Dans le « J-rock », ce sont des Japonais qui composent de la musique rock, donc il y a quelque part des fragments du « bushi » japonais, la mélodie est écrite par des Japonais donc cela se ressent dans le rock également. Quant à l'enka, qui est parfois appelé « le blues japonais », c'est la même chose, donc les deux sont, dans leur essence, des musiques japonaises. C'est pourquoi je suis très surpris que personne n'ait fait cela jusqu'à maintenant.
Avez-vous des conseils pour les étrangers qui commencent à écouter de l'enka, quant aux choses qu'ils doivent savoir ou auxquelles ils doivent faire attention en écoutant ce style musical ?
Mogamigawa Tsukasa : Je viens juste de débuter donc je ne peux donner de grandes leçons, mais je pense que par le passé les Japonais ont beaucoup chéri l'Histoire du Japon, donc j'aimerais que l'enka vous dévoile quelques détails de ce qu'est la culture nippone. Même au Japon certains pensent que l'enka est quelque chose de « vieux », et il y a beaucoup de vieilles chansons, mais je crois que grâce à elles vous pouvez en apprendre plus sur l'Histoire, par exemple sur les choses auxquelles les Japonais étaient sensibles dans le passé. Donc j'aimerais que vous l'appréciiez comme un pan de la culture japonaise. Mais j'aimerais aussi que vous goûtiez à l'unicité du chant dans l'enka, où la voix est légèrement « en retrait ».
Il est souvent dit que la musique est un langage universel. Qu'en pensez-vous ?
Mogamigawa Tsukasa : Bien sûr, je suis d'accord avec cela. Même si vous ne comprenez pas les paroles, quand vous les mettez en musique, celle-ci vous parle. De plus, quand vous regardez ce qui a été chanté, et que vous vous dites « Alors c'est cela qu'il chantait ! », vous pouvez avoir une révélation. Je pense que la mélodie est ce qui donne sa force persuasive au langage. Je crois que la musique a ce pouvoir.
Le 25 décembre aura lieu votre concert X'mas Kayou Show ~Oku no Happy Road♪~. Que peuvent en attendre vos fans ? Avez-vous prévu quelque chose de particulier ?
Mogamigawa Tsukasa : Attendez-vous à voir SHUN (rires). Il est mon acolyte et nous faisons des genres de sketchs ensemble. Si j'en dis trop à ce sujet les attentes seront élevées, mais les gens nous disent qu'ils aiment ça donc vous y aurez droit.
Avez-vous un vœu de Noël pour vous-même ?
Mogamigawa Tsukasa : L'année prochaine, j'aimerais participer à quelque chose de grand comme « Kouhaku » ! Aussi, j'aimerais aller à l'étranger autant qu'avant. Je veux voir le sourire de mes fans étrangers.
Vous avez un concert prévu pour le 16 janvier à Taïwan. Ce sera votre première prestation à l'étranger en tant que chanteur d'enka…
Mogamigawa Tsukasa : Oui, je suis déjà allé deux fois à Taïwan avec des groupes de rock, quand nous avons joués en solo et aussi avec des groupes comme MUCC.
Comme il s'agit de votre première fois en tant que chanteur d'enka, y a-t-il des choses à propos desquelles vous êtes nerveux, ou que vous attendez particulièrement ?
Mogamigawa Tsukasa : Je ne me sens pas nerveux à l'idée d'aller à Taïwan car il y a beaucoup de gens qui parlent japonais là-bas, et comme je l'ai déjà dit, la musique traverse les frontières, donc il n'y a pas de problèmes avec la barrière de la langue. J'ai aussi le sentiment qu'ils connaissent l'enka japonais ! La dernière fois que je suis allé à Taïwan et que j'ai pris le taxi, la radio jouait Kitaguni no haru en taïwanais. Je suis content parce qu'ils ont l'air de beaucoup aimer le Japon. Donc je ne suis pas inquiet. J'espère que beaucoup de gens viendront me voir et apprécieront mes chansons. Aussi, si j'ai du temps, j'aimerais m'offrir un massage de réflexologie. Je l'ai déjà fait quand je suis allé à Taïwan avant, alors j'aimerais me rafraîchir la mémoire.
Quels sont vos projets pour l'avenir ?
Mogamigawa Tsukasa : Je vais faire quelques annonces lors du X'mas Kayou Show au Shibuya STAR LOUNGE le 25 décembre, restez aux aguets !
Pour conclure notre entrevue, auriez-vous un message pour les lecteurs de JaME ?
Mogamigawa Tsukasa : Il y a beaucoup de musiques dans le monde entier, et l'enka est un style auquel les fans de rock ne sont pas souvent confrontés. Je vais faire de l'enka et du rock à partir de maintenant, j'aimerais que tous les fans de rock découvrent la culture japonaise de l'enka, et j'espère que cela vous procurera de la joie. Je vais faire de mon mieux pour que plus de monde apprenne des choses sur le Japon, alors soutenez-moi s'il vous plait. Je fais de mon mieux chaque jour, attendant le moment où je pourrai voir vos visages, alors pour patienter jusque-là, écoutez mes morceaux et attendez-moi ! Je vais vraiment faire le tour du monde !
JaME souhaite remercier Mogamigawa Tsukasa, ainsi que Prime Music, Universal Music Japan et Massive One Inc. pour avoir rendu cette interview possible.