Interview avec les Kokusyoku Sumire à l'occasion de leur tournée française.
A l’occasion de leur tournée française, nous avons eu l’opportunité de rencontrer les Kokusyoku Sumire, groupe de musique ô combien surprenant, peu de temps avant leur tout premier live en France. Rencontre avec deux charmantes jeunes femmes dans une ambiance très chaleureuse.
Bonjour, pouvez-vous, tout d’abord, vous présenter à nos lecteurs ?
Yuka & Sachi : (se saisissant d’un papier et s’exprimant en français) Bonjour, nous sommes les Kokusyoku Sumire (rires).
Comment vous êtes vous rencontrées ? Votre envie de faire de la musique ensemble a-t-elle été immédiate ?
Yuka : Nous nous sommes rencontrées pour la première fois il y a cinq ans dans un café ; nous nous sommes immédiatement bien entendues, et notre complicité a fait que nous avons immédiatement eu l’envie de faire de la musique ensemble. Pendant un an, nous avons pris cela à la rigolade, puis nous avons trouvé le nom de notre groupe, et depuis quatre ans, nous faisons de la musique de manière professionnelle.
On ressent dans vos compositions beaucoup d’influences occidentales, en particularité des sonorités tsiganes, en plus bien sûr de celles propres à la musique traditionnelle japonaise. Quelles sont vos influences ?
Yuka : Nous avons toujours écouté des musiques étrangères, dont beaucoup de classique, surtout pour Sachi, et cela de manière continuelle. Nos influences viennent des quatre coins du monde, nous n’avons pas d’artistes préférés, ni de styles spécifiques. C’est vraiment un maelstrom musical mondial qui nous intéresse, plus qu’un unique genre musical.
Comment se déroule le processus de composition de vos chansons ? Avez-vous une idée en tête dès le départ, ou bien créez-vous vos musiques à l’envie et à l’humeur ?
Yuka : C’est essentiellement moi qui écrit les chansons. Tout d'abord, nous nous mettons d’accord sur le thème que nous allons développer, puis nous écrivons ensuite une histoire sur cette idée. Nous laissons ensuite mûrir notre texte et coupons ce que l’on considère comme superflu. Puis, pour finir, nous créons une musique que l’on colle à cette histoire.
Pour vos auditeurs qui ne comprennent pas le japonais, de quoi parlent vos chansons ? Quels sont les thèmes abordés ?
Yuka : Notre univers s'inspire des contes des frères Grimm et d’Andersen, auxquels nous sommes très attachées. Cela dit, en plus de ces textes qui nous ont toujours bercées, nous avons un attrait particulier pour tout ce qui se rapporte à l’onirisme, qui est notre principale influence.
On remarque que vos trois premières sorties, vu que nous n’avons pu écouter l’album remix, ont chacun leurs univers, assez sombre pour le premier, moins noir mais plus dansant pour le second, là où le troisième s’avère être un melting pot musical d’une très grande variété. Avez-vous des idées concernant votre direction musicale avant même d’imaginer les musiques ?
Yuka : Oui ; pour notre premier album, notre producteur nous a donné la direction musicale, nous n’avons pas trop eu le choix, en partie car c’était un album de reprises. Depuis, nous avons une totale liberté de composition. Pour notre second album, nos influences étaient principalement européennes, tandis que sur le troisième album, nous reprenons des histoires et des vieilles chansons traditionnelles japonaises.
On remarque que malgré un coté très sombre, vous abordez dans vos chansons des idées et des lieux proches de l’enfance, comme sur Circus no Uma ("le cheval de cirque") ou Higeki No Marionette ("Les marionnettes tragiques"). Que représentent pour vous ces lieux ? Avez-vous une vision assez pessimiste de l’enfance qui vous pousse à développer cette imagerie ?
Yuka : Nous aimons mélanger des éléments qui peuvent paraître opposés, notamment le monde que l’on considère souvent comme joyeux de l’enfance, avec quelque chose de très triste et de très sombre en même temps : inquiéter et réjouir à la fois, faire une synthèse d’univers antagonistes et incompatibles. Mais d’un autre coté, l’univers de l’enfance est souvent cruel et cela nous intéresse beaucoup.
Certaines de vos chansons reprennent à leurs sauces les contes de Perrault ou d’Andersen, tels que Le Petit Chaperon Rouge ou Hansel et Gretel ? Que représente pour vous ce monde féerique et les écrits qui y sont reliés ?
Yuka : Alors, comme nous l'avons dit à la question précédente, nous réfléchissons tout d’abord à ce mélange des genres, puis on se pose la question de savoir quelles sont nos influences majeures concernant nos textes, et il s’avère que les contes de ces auteurs sont proches des thèmes que nous voulons ici développer. Cela se recoupe avec notre univers et nous avons voulu développer cette idée et ces écrits en rapport avec une ambiance que l’on apprécie beaucoup.
Pourquoi vous intéressez-vous autant à ce folklore occidental ? Malgré tout, est-ce que certaines de vos chansons s’intéressent à des contes et légendes japonais ?
Yuka : Nous avons grandi dans cet univers là, que ce soit par le biais de nos parents, qui nous lisaient ces histoires, ou bien par les images que l’on voyait dans les livres à la maternelle ou à l’école primaire. Les contes japonais étaient beaucoup plus rare. Ensuite, beaucoup de chansons sont inspirées de contes japonais, notamment dans le dernier album, mais toute cette mythologie européenne ne nous est pas étrangère et nous paraît presque naturelle.
Les chansons de votre dernier album s’avèrent beaucoup mois sombres que celles de vos deux premiers CD. Cette évolution est-elle volontaire ? Une ambiance plus variée et moins noire était quelque chose que vous recherchiez ?
Yuka : Effectivement, nous avons abordé plusieurs thèmes complètement nouveaux sur le dernier album, notamment l’amour, le coup de foudre et le fait de tomber amoureux, la gentillesse et plus généralement ce qui est agréable. Donc il est naturel que notre musique ait été beaucoup moins sombre et plus variée sur ce disque.
Koi Wa no no Tori est une chanson particulière, commençant par un ballet de claquettes pendant près d’une minute. Comment vous est venue cette idée d’insérer cet interlude avant Carmen ?
Yuka : Nous voulions vraiment donner l’impression, presque une sensation visuelle, tout en fermant les yeux, d’imaginer ce solo de claquette, qui nous semblait totalement adapté à la composition de ce thème et à la reprise de Carmen.
Qui a réalisé ce morceau de claquette ?
Yuka : Il s’agit du cousin de Sachi, qui est danseur de flamenco.
Quand vous pencherez-vous sur le successeur de Kido No Kofu To Futago No Hoshi ? Avez-vous une idée de la direction que va prendre votre musique ? Avez-vous une idée ou un thème que vous aimeriez développer ?
Yuka : Nous sommes déjà en train d’y réfléchir. Il est possible que le prochain album puisse aborder les thèmes et les idées propres à la Chine. Jusqu’à maintenant, nous n’étions que toutes les deux à entièrement composer les chansons, mais nous allons désormais intégrer un violoncelliste et, voir même éventuellement, un bassiste. Tout ce que l’on sait, c’est que nous n’en sommes qu’au tout début de notre réflexion et qu'il y a encore énormément de travail à faire pour démarrer l'écriture de notre futur album.
Question un peu à part : si vous deviez vous définir avec l’une de vos chansons, laquelle choisiriez-vous ?
Yuka & Sachi : (Rires) C’est bien la première fois que l’on nous pose cette question.
Yuka : (Après mûre réflexion) C’est une question difficile, car sincèrement, je pense que l’on est un peu toutes nos chansons à la fois.
La pochette de votre premier album, Zenmai Shojohakoningyo, est proche des travaux de Takato Yamamoto. Est-ce lui qui a réalisé cette pochette ?
Yuka : Oui, c’est bien lui qui a dessiné cette pochette.
Oh, c’est extrêmement intéressant ! Que pensez-vous de son style aux frontières de l’eroguro et de l’ukiyo-e ? Comment en êtes vous venues à travailler avec cet artiste, extrêmement reconnu ?
Yuka : Nous aimions déjà ses travaux avant de travailler avec lui, tandis que Takato-san appréciait beaucoup notre coté duelliste, cette façon de mélanger les univers, l’heureux, le sombre, qu’il trouve proche de ses travaux. Et donc nous nous sommes mutuellement rapprochés et il a bien voulu réaliser la pochette de notre premier disque.
Les couvertures d’albums ont-elles une importance pour vous ? Que représentent celles des deux derniers albums, sur lesquelles vous ressemblez à des poupées de porcelaine ?
Yuka : Nos pochettes sont extrêmement importantes à nos yeux. Celles des deux derniers albums ont été réalisées par un illustrateur très connu, Shichinohe Masaru, qui est un de nos amis, et nous sommes ravies d’apparaître en poupées, cela a pour nous son importance.
Parlez nous de Kido no Kofu to Futago no Hoshi : pourquoi sortir un album de remixes ? Les chansons sont-elles différentes de leurs versions originales ? Peut-on attendre des surprises par rapport à cet album ?
Yuka : Dans notre entourage, nous avons des membres du groupe Phnonpenh MODEL, dont la personne qui a réalisé les musiques, Kotobuki-San (Hikaru Kotobuki, un musicien ayant travaillé avec, entre autres, Susumu Hirasawa dans le groupe P-Model), qui nous a proposé d’écouter toutes ses musiques, puis de réaliser des remixes des nôtres. C’était, je pense, une expérience que nous ne pouvions refuser et dont nous apprécions le résultat.
Êtes-vous stressées par cette tournée française?
Yuka : A part le décalage horaire, nous ne sommes pas vraiment stressées par cette tournée. (rires)
Pourquoi être venues en France pour votre première sortie en dehors du Japon ? Aviez-vous reçu des échos vous ayant poussées à venir dans notre pays ?
Yuka : Nous avons un ami très proche qui est ici et qui nous a conseillées de venir, et pour lequel nous venons (elle désigne du doigt le traducteur).
Y’a-t-il des choses pour lesquelles vous vouliez venir dans notre pays ? La gastronomie ou les vins par exemple ?
Yuka : Depuis que nous sommes arrivées, nous n’avons vu que la Provence, mais nous l’aimons énormément, même si nous aimerions bien voir le légendaire ciel bleu provençal dont on nous a tant parlé, vu que nous n’avons depuis trois jours que de la pluie (rires).
Quels monuments souhaiteriez-vous voir, en France pendant la tournée ?
Yuka : Nous aimerions bien voir le Mont Saint Michel, le funiculaire, d’autres monuments comme ça, même si bien sûr on garde comme principale image de la France la Tour Eiffel, que nous aimerions visiter en premier.
Avez-vous des envies de visiter d’autres pays ?
Yuka : Oui, nous souhaiterions vraiment visiter d’autres pays, notamment ceux dans lesquels nous savons que des fans nous attendent, tels que la Norvège ou la Suède. Nous savons que nos fans sont au Nord et c’est au Nord que nous aimerions aussi aller la prochaine fois.
Où vous voyez-vous dans dix ans ? Comment pensez-vous évoluer ?
Yuka : (Rires) Etre millionnaires, et avoir un château qui porterait notre nom, le Château Sumire, dans le sud de la France !
Merci beaucoup de nous avoir consacré cette interview. Auriez-vous un mot à dire aux fans européens qui assisteront à votre tournée ?
Yuka & Sachi : (en Français) Merci beaucoup !
Yuka : Nous vous remercions d’avance pour votre accueil, et rappelez nous en France pour une nouvelle tournée quand vous voulez !
JaME tient à remercier François Amoretti pour sa gentillesse et sa disponibilité, ainsi que pour la grande qualité de ses services, et bien sur l'association JMusic Sound sans qui cette interview et ce concert n'aurait été possible.