Live report de la première date des Kokusyoku Sumire en France, le 23 novembre 2007.
C’est dans un froid hivernal que se déroulait le premier concert de la tournée française des Kokusyoku Sumire, prenant place le 23 novembre au Korigan, dans un lieu difficile d’accès, au milieu d'une nationale, mais aux qualités sonores que beaucoup de salles envient. Le duo de charme avait pour mission de réchauffer le public, qui n'était malheureusement pas venu en grand nombre, malgré une importante publicité sur internet.
Le très modeste prix d’entrée n’ayant pas eu l’effet escompté, il ne restait plus aux filles qu'à donner leur maximum pour satisfaire de leur subtil mélange des genres la cinquantaine de spectateurs présents, dans un lieu seyant parfaitement à l’univers du groupe.
Amour sombre de jeunes filles
La première partie aura eu le mérite de surprendre son monde. En effet, l’univers de TöT est extrêmement éloigné de celui des Kokusyoku Sumire. Choix de l’organisation pour rapprocher les filles de leurs concerts dans les soirées goth telle que la Tokyo Dark Castle ou volonté de créer une improbable rencontre : le groupe n’aura en tout cas pas réussi à s’accorder les faveurs du public.
Malgré un son électro dark très réussi, les spectateurs resteront de marbre, préférant discuter autour des tables et s’abreuver de bières, alors que danser aurait été de rigueur tant la musique s’y prêtait.
C’est vers 22h30 qu’apparaissent les filles, toutes de rouges vêtues, évoquant ainsi le petit chaperon rouge de Perrault. Jamais celui-ci n’aura été aussi sexy et c’est un plaisir, autant pour nous que pour elles, d’être déguisées ainsi, nous le rappelant pendant le live en nous demandant "En quoi sommes nous habillées ce soir ?".
Le live démarre sur les chapeaux de roues avec Le Poison, extrait de leur premier album, Zenmai Shojohakoningyo, et déjà les esprits commencent à s'échauffer. L’ambiance sait se faire bon enfant malgré la profonde noirceur de certaines de leurs musiques, le public n’hésitant pas à danser au son des mélodies puissantes du groupe, voir à rire quand les filles jouent avec autodérision de leur image. Le meilleur exemple à ce propos étant une crise de toux après une montée trop haute, qui finit de conquérir les spectateurs présents ce soir là.
S’enchaine après la première chanson Koi Wa no no tori, reprise avec beaucoup de talent du Carmen de Bizet, même si l’on pourra regretter l’absence du ballet de claquettes présent sur le CD.
De la musique des filles se dégage une ambiance mystérieuse, tour à tour sombre, joyeuse, et dansante : c’est un véritable numéro de funambulisme musical auquel se livre le duo... Et le résultat s’avère en live fabuleux, transcendant systématiquement les chansons du groupe.
Le pot pourri des multiples influences du groupe prend une ampleur qui impressionne plus d’une personne dans la salle. Que ce soit pour une polka sur Tomodachi Polka ou bien pour un Watashi No Gakudan, les filles font de la musique classique un véritable exercice de style où s’entrecroisent des genres antinomiques. S’intègrent alors notes gypsies sur mesures d’opéra, faisant des mélodies et du concert un grand melting-pot accrocheur et oh combien original.
Violettes Impériales
Ce qui est magique avec les Kokusyoku Sumire, c’est la mise en place d’un univers, leur facilité à donner consistance à la musique, en ayant la faculté d’y faire croire, alors que sur scène se trouvent deux petits bouts de femmes grandes comme trois pommes.
Bien sûr, il y a Sachi, virtuose de son instrument. Pinçant, faisant crier les cordes, glissant son archer avec douceur et volupté, la magnifique violoniste est intrigante à voir jouer. N'oubliant pas, elle aussi, de chanter de sa voix presque enfantine, en dehors des morceaux, elle est par contre presque silencieuse, laissant la parole à Yuka, si ce n’est pour "demander des gâteaux" ou annoncer le retour du groupe (pour manger des gâteaux) : son sourire fait mouche, tout autant que son talent. Restituant à merveille les sonorités du CD, jusqu’au moindre grincement, Sachi amuse le public quand elle se saisit d’un canard de bain pour le faire couiner ou d’un pipeau sculpté, à la forme... de canard.
Mais bien sûr, les notes des lutheries qui ont fait la renommée de Stradivari ne sont pas l’unique raison du succès de ce concert.
Sans Yuka, rien ne serait pareil... On se demande encore comment une femme plus petite que soi alors même qu'elle porte de hauts talons peut chanter ainsi. Jouant des octaves, des aigus et des graves, sa facilité vocale est tout simplement stupéfiante. Les musiques prennent ainsi une ampleur inattendue, quand elle perdent en orchestration ce qu'elles gagnent en émotion. L'épuration mélodique n'est ici pas un défaut, mais au contraire, une qualité qui confère à ce concert une allure de petit cabaret accueillant.
Il faut voir la chanteuse s’agiter avec grâce de ses dix petits doigts sur son accordéon avec un talent fou, sans perdre de souffle, alors que celui-ci semble peser bien lourd, encore plus pour une si petite femme. On n’en est que plus surpris par la justesse, et encore plus, la beauté de son chant.
Le summum est atteint lorsque la chanteuse se place au piano. Sa tête dépassant tout juste de ce dernier, on la voit jouer, presque sans mouvement autre que ceux de ses mains, avec dextérité et talent sur le long clavier de 88 touches, tandis que le violon de Sachi s’agite de consort, avec la même attitude.
Nous sommes en plein rêve, voyant deux chaperons rouges transformer dans leur langue nos contes et leur musique avec talent et une sincère entente, aussi bien avec le public qu’entre elles.
Car les Kokusyoku Sumire, c’est aussi l’osmose qui se dégage de ce sublime tandem ; on sent que les filles sont heureuses ce soir là d’être présentes, et on ressent l’amitié entre les deux femmes durant les chansons, leurs rires de consort, qui donnent vraiment une sensation de bien être au public.
Et s’enfilent - trop rapidement - des perles issues de leurs trois albums, donnant en seulement 14 chansons un aperçu très réussi de leur musique. Bien entendu, on pourra toujours reprocher l’absence de chansons telles que Digernaliar ou Yumemiru Shojo ningyou, pour ne citer que des chansons de leur dernier opus. Mais on ne peut pas en 1h15 se permettre de jouer l’intégrale des albums, et c’est avec plaisir que l’on retrouve des classiques comme Tomoshi, Yoimachi Gusa, introduction du troisième album, avec une première partie collant des frissons, presque a capella.
La voix de Yuka se fait alors impressionnante, et remplie la salle de concert d'une présence et d'une beauté vocale en adéquation avec un quasi immobilisme, donnant une impression presque irréelle, totalement onirique, à cette chanson.
Le concert se finit sur trois de leurs mélodies les plus connues : Higeki No Marionetto, Circus no uma et Oshima no uta mettent, hélas trop rapidement, fin au rêve et rendent tristes les spectateurs de devoir, déjà, arrêter d’écouter ces deux femmes au talent exceptionnel.
Après une salutation théâtrale, les Kokusyoku Sumire remontent en loge et le public commence à se disperser, sourire aux lèvres de rigueur. Ceux qui seront restés plus longtemps auront eu la chance de voir descendre les filles pour des dédicaces et des séances photos vraiment cocasses.
En bref, un concert tout simplement magique, premier d’une tournée qui aura ravie les filles, malgré des spectateurs présents en nombre moyen, et qui s’achèvera en apothéose sur une date à Paris, sur laquelle mon collègue présent ce soir là, Ayou, pourra vous dire quelques mots. En espérant juste que les filles reviennent rapidement, tant le concert fut exceptionnel, les Kokusyoku Sumire étant vraiment un groupe à voir sur scène!
Setlist :
Le Poison
Koiwa no no tori
Tomodachi polka
Yuke! Shonen Jujigun!
Eikyuu ni uruwashiku sumire no hana yo
Yoimachi Gusa
Tomoshi
Wakaki guree teru no nayami
Oisyasan Gokko
Watashi no Gakudan
Junketsu ha aka
Higeki no marionetto
Circus no Uma
Oshimai no uta