Groupe fondateur culte de la musique underground et expérimentale japonaise Boris est un de ces groupes que la logique commerciale n’atteint pas. Faisant sa musique comme bon lui semble, changeant de genres comme d’autres changent de chemises, la lassitude et la répétition n’ont place dans cet univers unique et original. Le groupe revient avec le sourire, pour leurs treizième album en 16 ans de carrière, SMILE (humour quand tu nous tiens), avec un album qui s’avère pour le coup, parmi tous leurs travaux, l'un des plus accessible.
L’entêtant MESSAGE ouvre le bal. Basse surpuissante et lancinante, riffs inlassablement répétés, batterie métronomique, ce morceau s’ancre dans votre tête avec ses lignes de chants évanescentes, qui vous prennent au piège tandis que les saturations se font de plus en plus puissantes. La musique se déstructure au fil des minutes pour terminer dans un vaste climax apocalyptique.
BUZZ-IN est dans la veine rock de ce que peut livrer le groupe. Alors bien sûr, le son des guitares est modifié à l’excès, allant à cent à l’heure dans ce qui est le morceau le plus facile d’accès de l’album, avec une construction presque normale.
Car il ne faut pas oublier qu’à la base, Boris fait dans la noise, et ce n’est pas cet album qui va changer ça, même si elle s’avère ici plus accessible. Tout est mis en oeuvre pour faire une construction musicale dans le bruit. Sons enchevêtrés dans tous les sens, parfois sans rapport apparent, changement de ton et de plan, accélérations, on pourrait se perdre un tant soit peu pour peu que SMILE soit notre première expérience dans ce genre musical.
Car quand le mot accessible est employé, il ne faut pas oublier que l’on parle d’un des genres les plus extrêmes de la musique contemporaine. Très violente, qui peut provoquer moult vrillages de tympans, le courant noise est le plus dur à appréhender pour les auditeurs, certains n’y voyant parfois que des sons et du bruit, sans construction aucune.
En ce sens, ce disque est une porte d’entrée plus qu’intéressante pour ceux qui voudraient s’initier au style porté aux nues par des talents tel que Hijokaïdan (et leur leader fou furieux Jojo Hiroshige) ou encore Masami Akita -au doux nom de scène de Merzbow pour les connaisseurs - pour ne citer que les nippons. Avec des titres comme Flower suns rains ou Next Saturn, on voit le côté ambiant et mélodique de la bande, porté par les vocalises immersives de Takeshi, avant que Dead Destinations> anéantisse toute mélodie dans un déferlement sonore digne d’une bande son pour la fin du monde.
Et comment qualifier Your Point Is The Umbrella, parfaite montée quasi post-rock où les sonorités brusques des guitares sont au service de la beauté mélodique, tel un tableau imparfait, peint de vifs coups de pinceaux pour donner vie à la tristesse. Ce n’est pas la mélancolique Full song, qui fera terminer l’album sous de meilleurs jours. Sombres et laconiques, les vingt minutes du titre paraissent terriblement longues, sentiment qui imprègne les notes, suinte le chagrin de plus en plus fort à mesure que le son perce ce qui reste d’audition
Un magnifique postlude à un album qui est au même niveau.
Boris livre donc avec ce SMILE un album génial. Très étonnant car plus accessible que leurs travaux habituels, le groupe élargit encore un peu plus son univers musical, qui devient ainsi une excellente porte d’entrée à la noise. Car le groupe reste quand même bien loin des schémas habituels et des sons contemporains, avec ses mélodies quasi bruitistes qui recèlent de secrets et de trouvailles qui requièrent de multiples écoutes pour tout appréhender. Vous savez ce qu'il vous reste à faire.
Note : 9/10
