Dictée par son unique conscience, à mille lieux de considérations commerciales, l'entité MUCC est passée maître dans l'art du contrepied ; mais à l'inverse de nombre de groupes, ne renie aucunement son passé. Musique en perpétuelle évolution, dont le fond reste le même, malgré le fait que la manière et la forme, elles, changent. Mais ce n'est point une surprise pour les amateurs du groupe depuis Hoyouku. Combien de fans européens espèrent et attendent fébriles, à chaque nouvelle sortie, un nouveau Kuchiki No Tou? Pourtant, les albums pré Kuchiki s'avèrent bien moins originaux que leurs successeurs. Mais une chose est sûre, la formation ne fera pas marche arrière, et c'est donc tout naturellement que Shion s'avère dans la continuité de Gokusai.
Inquiétante introduction, son tribal, entêtant, qui vire petit à petit dans une ambiance de plus en plus grotesque et effrayante. Un âpre parfum de cirque macabre envahit le début de ce disque, juste avant de laisser place à Fukuro No Yurikago. Les premières chansons de l'album sont sombres, très sombres. Sons orientaux, chant planant au dessus des cordes, nous assistons à une fantomatique et envoûtante musique.
Le ton donné est en parfait accord avec la pochette. Obscure et mélancolique mélodie sur laquelle les seules variations visibles sont les teintes de gris. Et ce n'est pas Nuritsubusunara enji qui va changer la donne. Une vraie ambiance semble être de mise. Sombre et noire, on aurait presque hâte d'espérer un album concept. La musique quant à elle mélange habilement metal, rock, noirceur et envolées propres au "nouveau" MUCC. Bref on croit tenir un nouvel album d'une construction énorme...
Mais voila que déboule FUZZ et nos ardeurs subitement refoulées. Non pas que cette composition soit mauvaise, elle est même extrêmement bonne... Cependant, la mettre juste après les trois premières pistes est presque une hérésie, tant cela casse tout l'univers mis en place auparavant. En effet les beats electros rock de la chanson passent difficilement après la noirceur qui était de mise sur les précédentes chansons.
Et c'est là l'un des plus grands défauts de cet album. Tout comme le précédent, celui-ci est très mal agencé. Peur de se mouiller et de, peut-être, perdre certains auditeurs avec un album qui s'écouterait d'une traite? C'est possible. Mais MUCC n'ose pas effectuer ce sinueux tracé auditif dans la lignée des premières chansons de Shion qui aurait pu accoucher d'un chef d'oeuvre. Cela est bien dommage tant le résultat aurait pu être grandiose.
Néanmoins, le melting pot du groupe est bien loin de décevoir pour autant. Rock, metal, pop, electro, sonorités de tous pays, voir même punk rock; bien des styles sur ce disque sont passés à la moulinette de la formation. Avec de sévères anicroches (Flight, toujours aussi... Flight quoi !) mais aussi d'authentiques réussites.
Game en est le meilleur exemple, avec ses sonorités aériennes aux confins du post rock, avec ses guitares saturées et de la folk des plus grands. Une des plus belle et émotive chanson de MUCC, sans aucune contestation, de celles qui marquent le coeur et les tympans pour longtemps. Réussite, Sorawasure l'est aussi. Débutant tel un balet décadant, valse auditive sur lequel Tatsurou imprime ses mesures, quand les violons eux donnent à la chanson une touche baroque, la chanson se sublime dans l'éthéré et délicat refrain qui finit de faire décoller très haut l'auditeur. Et ce n'est pas le magnifique solo de Miya qui change la donne, bien au contraire.
La qualité et le vécu du groupe leur permet très certainement cette audace et cette ouverture musicale à laquelle peu de groupes peuvent prétendre. Car il est évident que ce n'est pas l"ancien" MUCC qui se serait risqué à une chanson telle qu'Anjelier. Numéro d'équilibriste doux dingue, aux frontières du kitch (évité avec succès) et de la pop, on se demande comment une idée pareille est arrivée dans la tête du groupe. Mais cette mélodie est néanmoins une indéniable réussite, sur laquelle le chant n'a pas finit de faire parler de lui.
En effet, ce n'est que répétition encore une fois, mais Tatsurou est désormais dans la cour des plus grands chanteurs de la scène rock japonaise. Son talent est indéniable et, à force de travail, explose aux yeux du plus grand nombre. Du chant hasardeux mais émotif des débuts, l'artiste a façonné un chant absolument dément. Varié, sachant se faire guttural quand il le faut- résonnant comme une vive plaie qui semble ressortir du passé- mais aussi doux, et se permettant même des montées aigües insoupçonnées pour le chanteur, sur la sublime Anjelier. La manière est belle, avec une voix maitrisé et un vibrato tout en délicatesse qui n'était présent auparavant, ce qui amplifie l'émotion, toujours plus présente dans les compositions du groupe.
Son chant complète et se complète parfaitement avec le travail des musiciens. Car MUCC est un tout. Musique et chant sont indissociables et travaillent main dans la main. L'osmose entre tous les musiciens est parfaite. On ne s'étonne donc pas quand la voix de Miya résonne au loin sur les refrains de certains morceaux, et se fait plus présente qu'auparavant. Ses talents de guitariste sont d'ailleurs très loin d'avoir baissés. Les riffs sur Shion sont originaux, variés, jouant sur tous les styles avec succès, tout en gardant une sonorité propre au groupe.
Satochi quant à lui est un véritable métronome, tantôt hypnotique, tantôt frénétique, avec ses multiples changements de ton, de rythme et même de jeu, tant celui-ci s'adapte à la musique jouée. Et ce n'est donc pas une hérésie de considérer cet homme comme un très très grand talent. Quant à Yukke, celui-ci est égal à lui même. Son jeu classe éclabousse le disque où la basse implose et dispose, un coup suivant Satochi, pour s'envoler le morceau suivant entre les lignes de guitares et de batterie. La perte de sa cultissime coupe au bol n'a donc en rien modifiée son talent et sa Sadowski est toujours un régal auditif!
Et l'osmose entre les musiciens explose sur Chiisana Mado. Là aussi une pépite de l'album, où le chant terriblement mélancolique se confond aux douces nappes mélodiques, dans un disque qui en compte énormément. Car comment ne pas parler de la martiale Shion, une des chansons les plus noires de toute la discographie du groupe, où les growls semblent se confronter à l'évanescent mur du refrain? Une perle qui pourra satisfaire les amateurs des débuts du groupe, tout comme la schizophrénique Libra.
Duel entre deux parties de la carrière du groupe, où le chant sombre et haché de Tatsurou insinue le mal-être, tandis que le refrain semble vouloir crier, se libérer de ce terrifiant couplet. Une magnifique chanson, qui clôture l'album en beauté!
Shion ne plaira pas à tout le monde, c'est une certitude. Mais derrière ses singles heureux et variés, se cache un album dense et sombre, certainement le plus noir depuis Kuchiki No Tou! Rempli de titres sublimes mais en partie gâché par une ordonnance des pistes moyennes, ce disque est un plaisir que même Flight n'arrive à gacher. Shion est de ces disques qui, au fur et à mesure des multiples écoutes, se découvre toujours plus, et s'avère l'un des meilleurs de la déjà longue carrière de MUCC!
FoX - Note : 9/10
"Ils ont sorti un nouvel album! et il est en train d'effacer l'horreur qu'ils ont sorti l'année dernière! il est bon de vous retrouver les gars !!!" les yeux embués (d'émotion hein!), j'avais l'impression de retrouver une bande de potes que j'ai dû quitter à cause d'un malentendu. Mais ma première réaction a été définitivement précipitée
Quatre. C'est le nombre total de titres acceptables (on va dire assez bons quand même) sur un album qui en contient treize. Quand Gokusai est sorti, j'ai pris ça pour un essoufflement comme ça arrive à pas mal de groupes. Mais cet essoufflement dure un peu trop à mon goût.
Mais qu'est-ce qui est si mauvais dans cet album? Ce sont des morceaux indignes de ce groupe. De la mauvaise pop à boys band des années 90, on s'attend presque à les voir habillés en chemise en soie collée au corps, en train d'exécuter une choré foireuse. Ecoutez Anjelier ou Sorawasure pour vous en convaincre (de loin les pires morceaux de cet album).
Je suis d'accord qu'il faille évoluer, et ils ont déjà fait part de leur désir d'être plus soft, et ils ont déjà fait des chansons soft! Est-ce qu'il est utile de rappeler les petites perles que sont Kokoro no nai machi ou Yuubeni (premiers exemples qui me viennent en tête)?
Mais évoluer ne veut pas dire oublier ce qui a déjà été fait! On peut modifier son orientation musicale tout en faisant avec le passé, en n'oubliant pas que le statut de groupe culte n'a pas été atteint pour rien.
Au final, un album dont je n'ai pu retenir que Suion, Nuritsubusunara enji, Game et Chiisana mado. Signalons quand même que le talent des musiciens, même si j’aurais préféré qu’il soit exprimé plus dignement, reste un bon point.
La note a été donnée par pur respect au groupe. Même si cet album mérite bien moins que ça à mon goût, j'aurais l'impression de noter le groupe ainsi que les chefs d'oeuvres pondus dans le passé. En espérant que MUCC ne soit pas mort après 6.
Exupérence - Note : 5,5/10