Interview avec le contre-ténor Selia, dans laquelle nous avons eu l'opportunité de le questionner sur sa musique et sa carrière, classiques comme électroniques, ainsi que sur ses collaborations et bien d'autres choses.
Le contre-ténor Selia, peut-être plus connu hors du Japon que dans son pays d'origine pour ses performances avec le groupe de la Tokyo Decadance (une soirée renommée dans le milieu des clubbers Tokyoïtes), a étendu ses activités à l'étranger.
En mars, le chanteur devait participer en Europe à une courte tournée aux côtés de The Candy Spooky Theater, mais pour diverses raisons, il n'a pu venir. Toutefois, JaME a tout de même eu l'opportunité d'obtenir une interview, afin de mieux connaître cette personne fort intéressante.
Vous êtes déjà venu en Europe en tant que membre de la Tokyo Decandance : quelles ont été vos impressions ?
Selia : Au printemps dernier, je suis venu en France pour la première fois. J'ai été très occupé avec le spectacle et n'ai pas eu le temps de découvrir la ville, ce qui m'a attristé. Mais l'Europe est très artistique et les paysages étaient magnifiques. J'ai ressenti l'Art partout.
Est ce qu'il y a quelque chose en Europe que vous n'aimez pas ou à quoi vous n'arrivez pas à vous faire ?
Selia : Hmm, je pense que c'est parce que je suis habitué à la vie au Japon, mais faire les courses a été un peu problématique. Au Japon, il y a beaucoup de magasins ouverts 24h/24 donc il n'y a pas besoin de se soucier de l'heure qu'il est. La dernière fois que j'étais en France, par contre, je suis resté un peu dans une zone de banlieue, et les magasins fermaient tôt.
Quand avez-vous su que vous vouliez faire carrière dans la musique ?
Selia : Je pense que c'était vers 12 ou 13 ans. Bien sûr, j'aimais la musique avant, mais c'est vers cet âge que j'ai décidé que je ferais de la musique mon travail. A partir de là, j'ai commencé à beaucoup étudier la musique.
Pourquoi avoir choisi le nom Selia, et quel en est le sens ?
Selia : "Selia" est basé sur le mot "Selena", qui signifie "lune" en Grec. La lune a une face lumineuse, éclairée par le soleil, mais aussi une face sombre. Mon style, en tant qu'artiste, a cette image de "lumière" et de "ténèbres". Parce que non seulement les humains mais aussi toute chose en ce monde possèdent un côté "lumineux" et un côté "sombre". Même les personnes qui montrent toujours leur côté souriant aux autres ont aussi un côté sombre ; seulement, ils ne le montrent pas. Pareillement, même les personnes très froides et terrifiantes ont un côté très doux, mais elles ne le montrent pas. Je voulais exprimer avec la musique cette dualité en toute chose, entre "lumière" et "ténèbres". Et c'est un peu philosophique, mais en même temps, je voudrais exprimer le fait que "lumière" équivaut toujours au "Bien", et que "ténèbres" équivaut toujours au "Mal".
Comment vous êtes-vous intéressé à la musique classique ?
Selia : Mes parents sont Chrétiens, et quand j'étais enfant, ils m'emmenaient souvent à la messe. Les chants religieux et le son de l'orgue m'ont vraiment touché et, naturellement, j'ai commencé à écouter de la musique classique par choix.
Pourquoi avez vous choisi le registre de contre-ténor (un style classique dans lequel un homme chante en mezzo-soprano ou soprano, tessitures normalement réservées aux voix féminines) plutôt qu'un autre style ?
Selia : (rires) En réalité, c'est une histoire amusante. Avant la puberté, je chantais avec une voix encore plus aiguë. Je pouvais chanter du C' au C''', trois octaves plus haut. Dans tous les cas, j'aimais chanter aigu, mais après la puberté, ma voix est devenue plus grave. A cette période, je me suis dit "Cette voix grave est horrible !" et je me suis obligé à chanter en falsetto. Avant que je ne le remarque, je m'étais habitué à chanter ainsi. A ce
même moment, au Japon, un contre-ténor est devenu vraiment populaire, et quand j'ai entendu sa voix à la télévision, je me suis dit : "Ah, c'est une bonne manière de chanter aussi !", et depuis ce moment, j'ai commencé à chanter comme contre-ténor.
Depuis combien de temps prenez-vous des cours de chant, et était-ce difficile d'apprendre à chanter de cette façon ?
Selia : Hmm, ça fait presque dix ans. J'apprends encore ! Le chemin pour arriver au point où j'en suis maintenant n'a pas toujours été très facile, mais il y a encore beaucoup de choses que je veux améliorer, donc je dois continuer à travailler encore plus.
A propos des deux morceaux composés par Barbara Strozzi sur votre Myspace, vous avez vraiment réussi à maîtriser les paroles en italien. Comment avez-vous appris ?
Selia : Pendant mes quatre années d'études au Conservatoire, j'ai travaillé sur ce chant italien, je l'ai appris à ce moment.
Quels autres compositeurs aimez-vous chanter ?
Selia : Il y en a tellement, c'est impossible de les citer tous. Pour les compositeurs italiens : C. Monteverdi, G. Frescobaldi, G. Caccini, F. Cavarri, A. Cesti, G. Kapsberger, G. Sances, G.F. Handel et pour les compositeurs anglais : H. Purcell, J. Downland, J. Blow, G.B. Draghi, etc.
Vous jouez de la harpe ; qu'est-ce qui vous a poussé à apprendre à jouer de cet instrument ?
Selia : L'un des points faibles d'un chanteur est qu'il ne peut pas chanter sans accompagnement. Je me suis donc dit "Pourquoi ne pas apprendre à jouer d'un instrument pour m'accompagner ?". J'ai donc commencé à apprendre en autodidacte. Mais je ne suis pas encore très bon, donc je ne peux pas laisser d'autres personnes l'entendre pour le moment.
En dehors de la harpe, jouez-vous d'autres instruments ?
Selia : Je peux jouer de la basse et de la batterie. En fait, j'ai plus d'expérience avec les percussions, parce que j'en fais depuis plus de dix ans.
Comment êtes-vous entré dans le milieu gothique japonais ?
Selia : J'ai toujours adoré l'atmosphère gothique, j'avais donc l'habitude d'aller à des soirées et des choses de ce genre, mais je n'ai eu la chance de chanter sur scène que lorsque j'ai rencontré DJ SiSeN. SiSeN est venu à un de mes concerts et, après m'avoir entendu chanter, il voulait vraiment que je prenne part à l'une de ses soirées. Il m'a dit cela et ensuite j'ai chanté pour la première fois à l'une des soirées qu'il organisait, appelée Majô no Hanazono.
Comment est venue l'idée de mélanger musique classique et électronique ?
Selia : J'ai toujours aimé la techno et la musique électronique, donc j'ai pensé que je pourrais les utiliser avec de la musique classique. J'en ai conclu que "je devrais faire les deux ensemble". SiSeN aime aussi la musique classique et l'électro, donc on se comprenait. On s'est tellement immergés là dedans qu'on a créé une unité musicale.
Est ce que vous composez vous-même de la musique ; si oui, le faites-vous d'un point de vue plutôt classique ou électronique/industriel ?
Selia : Auparavant, je composais de différentes manières, mais à présent, je me concentre habituellement sur la mélodie du morceau. Mon point de vue classique est le plus fort quand je compose. Donc il me suffit d'une partition vierge et d'un crayon pour pouvoir composer (rires).
En plus de vos performances dans des soirées gothiques, vous faites aussi des concerts classiques de temps en temps. Ces concerts ayant un public complètement différent, comment pensez-vous que votre musique est reçue par ces publics ? Trouvez-vous que les réactions du public sont différentes d'un cas à l'autre ?
Selia : Les personnes qui ont l'habitude de me voir ne sont pas comme ça, mais apparemment les personnes qui me voient pour la première fois sont très surprises. Dans un concert classique, il faut être beaucoup plus modéré dans son habillement et son maquillage, mais je semble choquer le public tout de même. Il y en a beaucoup qui disent que c'est merveilleux, mais il y en a aussi qui disent qu'ils ne comprennent pas ma musique. Il y a des différences entre les publics, mais je pense que je peux ressentir de nouvelles choses avec chacun des deux. Alors que dans les concerts gothiques les gens semblent surpris par ma voix, il sont plutôt surpris par mon apparence dans les concerts classiques.
Est-ce que vous pensez sortir un album dans le futur ?
Selia : Oui, cet été j'annoncerai mon album de style classique, bien que ce soit une production indépendante. J'aimerais aussi faire un album avec mon projet électro par la même occasion.
Quel genre de musique écoutez-vous chez vous ?
Selia : Rien de spécial. J'écoute tout ce que je trouve bon, peu importe le genre. Toutefois, récemment, j'ai écouté beaucoup de musiques classiques et industrielles.
Pouvez-vous nous en dire plus sur Seirenes, votre unité avec DJ SiSeN et ce que vous avez l'intention de faire ?
Selia : Sereines a changé de nom pour devenir Selia+SiSeN. Maintenant, entre mai et juin, nous ferons des concerts dans le cadre de la tournée de la Tokyo Decadance en Europe. Après notre retour au Japon, nous pensons participer à de grands évènements à Tôkyô. Les chansons se mettent en place petit à petit, donc attendez les avec impatience !
Vous avez chanté sur deux pistes du dernier album de BUCK-TICK, Tenshi no revolver. Comment avez-vous eu cette opportunité et comment s'est passée la collaboration avec BUCK-TICK ?
Selia : Je suis aussi chanteur de session pour un groupe appelé AUTO-MOD, dont le chanteur, Genet, est un ami de Yagami Toll, le batteur de BUCK-TICK. Il venait donc souvent à nos concerts, et m'a entendu chanter à ce moment là. Il a apprécié ma voix et m'a demandé de collaborer avec eux.
J'étais un peu nerveux au début de l'enregistrement, mais je me suis beaucoup amusé ! Quand j'ai entendu le travail final, j'ai été le plus surpris. Je ne pensais pas qu'ils utiliseraient ma voix de manière aussi claire, donc j'ai été très heureux quand j'ai écouté l'album. Si j'en ai l'occasion, je voudrais vraiment refaire une collaboration !
Vous avez pris part à beaucoup de projets et collaboré avec divers artistes. Y a t-il un autre projet qui vous intéresse ?
Selia : Les projets actifs en ce moment sont mes projets solo, AUTO-MOD, l'unité avec SiSeN, Selia+SiSeN et l'unité Mad Moon avec le jeune DJ HOOLIGAN du Texas. De plus, des plans pour un autre projet avancent. C'est encore secret, mais je pense bientôt annoncer une collaboration avec une autre personne. En relation avec ce projet, je travaille pour tenter de faire une performance encore plus acrobatique qu'auparavant. Attendez cela aussi avec impatience !
Quelle importance accordez-vous à votre apparence sur scène, et est-ce que vous dessinez vos costumes vous-mêmes ?
Selia : Les vêtements ont autant d'importance que l'air et l'eau ! Mon ami m'a créé beaucoup de costumes. Je lui décris l'image que j'ai en tête, et il le fait. Je décide de l'image selon l'endroit où je vais jouer, puis je choisis le costume.
Quels sont vos plans pour le futur proche ; peut-on s'attendre à ce que vous veniez (à nouveau) en Europe ou aux Etats-Unis ?
Selia : Je reviendrai sans aucun doute en Europe ! Bientôt, je me rendrai dans beaucoup d'endroits avec la Tokyo Decadance, mais j'aimerais bien revenir pour une tournée solo ! Et ensuite, aux Etats-Unis ! J'ai vraiment très envie d'aller là-bas ! Si j'en avais l'opportunité, j'aimerais y aller immédiatement ! Ce serait bien si je pouvais avoir la chance d'aller aux Etats-Unis.
Comment vous voyez-vous dans dix ans ?
Selia : Je n'y ai jamais vraiment réfléchi (rires). J'aimerais faire plus de choses de manière globale, maintenant. Ce serait bien si je pouvais avoir la chance de jouer sur scène dans divers lieux et dans de nombreux pays. De plus, comme les chants classiques que j'interprète proviennent de la Renaissance et du baroque, je pense que beaucoup de gens ne les connaissent pas encore. Je voudrais donc que beaucoup de gens apprennent l'existence de ces très bons morceaux. En même temps, j'aimerais que les gens soient encore plus emplis du plaisir de participer à un évènement ou une soirée, et je veux profiter de la vie et de la musique avec le plus de personnes possible.
Un message pour vos fans ?
Selia : A ceux qui m'ont toujours soutenu, merci beaucoup ! Je chérie ma rencontre avec vous tous ! A présent, je veux continuer à jouer avec beaucoup de formes d'expression différentes, donc continuez à me soutenir ! Et attendez avec impatience l'album prévu pour cet été ! Si vous me rencontrez pendant que je suis en tournée dans un pays étranger, venez me parler ! J'en serais très heureux !
Merci beaucoup pour cette interview !