Album d'Abstract Hip Hop féminin grandiose. Note: 9/10
Après un carnassier Hell Me Tight, complexe, monstrueux et sombre album, dévorant et terrassant absolument tout sur son passage, datant de 2004, RUMI revient avec son nouvel opus, HELL ME WHY. Ne vous fiez pas à la pochette remplie de couleurs, à mille lieux de celle qui pouvait laisser paraître un sombre album de metal de son précédent disque. Mais il peut se passer énormément de choses en trois ans et la tournure musicale peut évoluer. Que donc penser de ce nouvel album ? Reste-t-il dans la veine abstract de son prédécesseur ou bien l'artiste a sombré dans de sombres méandres commerciaux?
Disons le tout net, HELL ME WHY est une évolution ô combien intéressante de la carrière de la talentueuse MC. Disons, pour faire simple, que l'on pourrait voir ce dyptique discographique comme l'équivalent de Piège en haute mer et sa suite, piège à grande vitesse pour le cinéma. Pas besoin d'avoir vu le premier pour comprendre dans le second les aventures de Steven Seagal/Casey Ribback mais cela peut aider à mieux comprendre les faits. Et ben là, c'est pareil. HELL ME TIGHT peut apporter des pistes sur ce nouveau disque, mais il n'est pas indispensable de l'avoir écouté.
Aussi le premier était extrêmement déstructuré, un véritable brouhaha sonore quasi indigeste pour la plupart des auditeurs, où les samples sont véritablement violents, tels un énorme choc auditif. L'album à l'époque secouait et c'est donc presque normal de retrouver aujourd'hui un album plus accessible... Enfin accessible est un bien grand mot tant le genre musical est difficile d'accès, encore plus auprès des auditeurs de musiques japonaise en France.
Dès l'intro le ton est donné. Beat totalement déstructuré, distorsion ultra présente, on sort vraiment du terrain mainstream du hip hop major. Et cela se ressent dès le titre éponyme. HELL ME WHY?? est en effet un morceau annonciateur de la tournure de l'album, très proche du précédent. Le flow de RUMI se pose sur un morceau sombre et malsain, à mille lieux de l'ordinaire. Presque strident, celui-ci possède une musicalité pourtant énorme, jouant avec les rythmes avant d'exploser dans un electro-refrain tétanisant.
Mais l'album est loin, contrairement au précédent, est extrêmement varié. Toujours dans des compositions teintées d'electro, on passe ainsi à des titres quasi-reggae, où le groove est grand comme sur Fever ou Cat Fight!. Heso-Cha est aussi une grande réussite, où les ajouts de beats de musique japonaise donnent une seule et unique envie, celle de se déhancher sur le déversement sonore des paroles de RUMI. Car c'est bien le flow de la chanteuse qui est tout simplement au dessus de celui de bien de ses consoeurs. Unique et surtout extrêmement varié, celui-ci change de ton avec rythme et vitesse, le phrasé de la MC se joint avec succès à celui de la musique.
Et puis il y a bien sûr les titres composés par de grands DJs, que ce soit O.N.O du cultissime groupe THA BLUE HERB, GOTH TRAD, mais surtout DJ DOGG dont le morceau, Zero, s'avère être l'un des meilleur de l'album. Ce mélange de genres, d'univers différents aux vus des artistes, trouvent une cohésion malgré les styles grâce à la voix de RUMI qui donne à l'album un ton, tout de même, immédiatement reconnaissable et cohérent.
Et puis l'album contient de petites perles. Ecoutez donc la dixième piste de ce disque, à la fois quintessence des défauts et qualités de ce HELL ME WHY. Démarrant lentement sur un beat extrêmement sombre, dès le premier refrain, le morceau devient un incandescent morceau electro hip hop, où la violence du rythme cloue l'auditeur sur le carreau. この世のおわり est le morceau type pour représenter l'univers musical de la chanteuse, et est, avec HELL ME WHY??, le titre à écouter pour se familiariser avec elle.
Namie Amuro ? Reine du hip hop ? Laissez-moi rire. En deux albums, RUMI a réalisé un gros coup dans la sphère musicale japonaise. Deux albums, deux chefs d'oeuvre, et un HELL ME WHY varié, profond, aux mélodies puissantes et aux beats variés. Accompagnés par un flow absolument tétanisant, prenant et à mille lieux de ce qui se fait actuellement, les douze titres de l'album sont absolument à écouter, même si ils ne pourront plaire à tout le monde. Véritablement jusqu’au-boutiste, on est loin des prétentions commerciales de bien des artistes nippons Major, mettant en exergue les avantages et la liberté musicale qu'offrent l'underground.