Au début de l'année 2002, un an après la sortie de leur dernier album en date LILY OF DA VALLEY, Dragon Ash crée une nouvelle fois l'événement en sortant coup sur coup deux singles dont le style musical change encore singulièrement de leurs dernières productions. Ainsi, le très pop Life goes on et le titre punk Fantasista, enregistré à l'occasion de la Coupe du Monde de football de 2002 - dont les matchs eurent lieu, rappelons-le, en Corée du Sud et au Japon -, deviennent des chansons emblématiques du groupe, très appréciées. Mais surtout, ces deux singles permettent de nous faire découvrir l'adjonction de nouveaux membres : le guitariste Hiroki, puis les danseurs Atsushi et Dri-V dont l'intérêt est, disons-le franchement, assez limité.
Après un silence radio d'un an, pendant lequel les interrogations quant au futur du groupe n'ont pas manqué, Dragon Ash réapparut en mars 2003 au sein du très dispensable split album Mob Squad, auto-produit et édité sur le label du même nom, avec deux autres formations punk/hip-hop, Source et Mach25. Ce n’est finalement qu'en juillet que le groupe nous gratifie d'un nouvel album, intitulé HARVEST. Inutile de dire que Dragon Ash était attendu au tournant.
L'Intro qui ouvre l'album est calme, sereine. Une légère brise souffle, les oiseaux chantent dans les arbres, une guitare classique égrène lentement quelques notes. Puis sans crier gare, le deuxième titre, House of Velocity, arrive. Nous retrouvons les habituels scratches frénétiques et les habituelles guitares saturées, mais pourtant, il n'y a aucune trace de férocité. Le flow de Kenji Furuya est lent et flegmatique, assez nettement inspiré du ragga, tout en étant recouvert d'échos qui donnent une dimension cristalline à son chant. Les titres suivants, Posse in Noise, l'excellent Revive déjà présent sur Mob Squad, puis United Rythme avec 43K et EIG du groupe de rap POSSIBILITY, viennent confirmer le nouveau son du groupe : aérien, posé, dénué de toute la violence qui avait caractérisé LILY OF DA VALLEY. Et cela fait plaisir à entendre. Les Dragon Ash ont mûri, ils n’ont plus besoin de distribuer coups-de-poing sur coups-de-poing pour imposer une culture hip-hop à une société dont le paysage musical était encore largement dominé par la pop et le rock à la fin des années 90. Avec Viva la revolution et surtout LILY OF DA VALLEY, ils avaient rempli un contrat : celui de démocratiser le hip-hop, quitte à utiliser les grands moyens et à ne pas avoir peur d’en faire trop. HARVEST peut marquer une nouvelle ère, celle de la paix retrouvée avec eux-mêmes. Pour mettre un terme à toute cette imagerie hip-hop démesurée dont ils furent pourtant les instigateurs, les Dragon Ash laissent tomber les baguouzes et les chaînes aux pendentifs de six kilos, ils embauchent un guitariste, et allègent leur son. Efficacité assurée.
Le groupe a eu deux ans et demi pour écrire et composer ce nouvel opus, le travailler, le peaufiner. Et vraiment, cela se sent. Ce qui frappe de prime abord, c’est que jamais le son n’aura été si riche, la production si léchée. La batterie de Makoto Sakurai est rapide, typée jungle, entravée d’incessants et habiles breaks ; les scratches de Bots forment une continuelle cascade de sons imprégnés d’échos, qui se répondent les uns aux autres ; la guitare de Hiroki et la basse de Ikuzo Baba sont aériennes, opérant par touches légères, et forment une nappe de notes cristallines sur lesquelles viennent se poser la voix nonchalante de Kenji. Seulement, le problème est que le groupe ne se départit plus de ce son tout au long de l'album, et les titres se succèdent sans qu'il n’y ait pratiquement aucune variation. Il y a bien quelques pistes qui se démarquent des autres, comme les étonnants titres trip-hop Byakuya et Art of Delta, le très punk hardcore Day 6 et la reprise de Gymnopedie #1 du compositeur classique Erik Satie, mais chacune dépasse difficilement les deux minutes, et font donc plutôt office de transitions. Dommage, car une version longue de ces titres aurait pu être quelque chose de très prometteur.
Finalement, c'est en restant sur notre faim que l'album se termine. Les Dragon Ash ont fourni là un énorme travail de post-production, et ont signé quelques petits bijoux comme les titres Revive, Fantasista, et les très beaux morrow (album version), Canvas et Harvest, mais l'ensemble est bien trop homogène. Les quelques pistes lancées du côté du trip-hop, ou du bon gros punk comme ils le faisaient dans le temps, n'aboutissent malheureusement pas, et tout ceci est bien regrettable. Bien que loin d'être mauvais, c’est un album en demi-teinte que nous livre là le groupe, qui aurait énormément gagné à se retrouver plus diversifié. Et c’est d'ailleurs pour cela que HARVEST divisa les fans lors de sa sortie.
Le groupe semble avoir maintenant exploité à fond le filon du hip-hop, et il est désormais difficile d'entrevoir quel sera son avenir s'il persiste dans cette voie-là. Mais Dragon Ash est un groupe intelligent, et pour éviter la prochaine fois de foncer tête baissée contre un mur, ses membres savent qu'ils vont devoir étonner et officier là où on ne les attend pas. Ce qu'ils vont faire...
Note : 7/10