Pratiquement un an après la sortie de l'album HARVEST, au succès mitigé, Dragon Ash revient sur les ondes avec le single Shade, assez anecdotique dans la carrière du groupe. Puis nouveau silence durant une nouvelle année, jusqu'à Crush the window en juin 2005. Bien que bon, le titre ne se démarque pas assez des productions déjà présentes sur le précédent album, et Dragon Ash inquiète une fois de plus. C'est seulement un mois plus tard qu'ils lancent un ultime single, Yunagi UNION, avant la sortie d'un nouvel album prévu pour septembre. Et là, c'est la grosse claque ! Le groupe n'avait encore jamais choisi de chanson reggae pour faire la promotion d'un album, et pour une première, cela fait parfaitement son effet. Le titre est sublime avec son chant nonchalant, sa mélodie dégagée et aérienne, et du coup, les espérances quant au nouvel album renaissent. Mais personne n'est encore capable de prédire la frénésie que va provoquer son écoute. Dragon Ash va encore une fois détonner et étonner son auditoire.
Rio de emocion se retrouve bientôt dans les bacs, et il ne faudra que quelques instants pour comprendre que l'attente n'aura pas été vaine. Après une Intro sympathique proche des expérimentations trip-hop de HARVEST, Los Lobos est la première poutre branlante de l'édifice qui s'apprête à nous tomber sur le coin de la tête. Battements précipités de tap dance, guitares frottées de manière convulsive, paroles en espagnol, c'est sans que nous en soyons aucunement préparés que Dragon Ash nous plonge dans de fougueux rythmes latino. L'expérience est tellement concluante que l'arrivée des Gypsy Kings ne dénaturerait en rien le titre.
La troisième piste, Resound, qui sera utilisée pour la bande originale du film Fast & Furious : Tokyo Drift, est encore beaucoup plus rapide, typée drum'n'bass, sans se départir d'un certain groove typiquement latin. Kenji Furuya (qui se fait dorénavant appeler Kj, ça fait peut-être plus MC) partage son flow avec deux autres rappeurs, dont HIDE, le chanteur de Dt., qui se trouve être le très bon side-project du guitariste HIROKI. Chez Dragon Ash on sait travailler en famille.
Le titre suivant, Palmas Rock, est encore une fois excellent, et véritablement novateur pour le groupe. Le rythme enjoué et les envolées lyriques du chant font irrémédiablement penser à une ballade gitane sous un chaud crépuscule cubain. Tout un programme. Le plus étonnant se trouve être cependant la présence d'UZI-ONE en featuring, le leader du vénérable groupe de hardcore Aggressive Dogs, mondialement reconnu, qui a également joué aux côtés d'Agnostic Front ou de Madball. Ce changement de registre aux côtés de Dragon Ash lui va de toutes manières à ravir.
La suite se trouve être de qualité égale tout au long de l'album. Les titres chauds aux couleurs latines se mêlent à de magnifiques ballades telles que The Narrow Way, où guitares classiques et tap dance (qui a dit que les danseurs DRI-V et ATSUSHI ne servaient à rien ?) créent une ambiance unique de café mexicain dans lesquels se réfugient les bandidas des films de Robert Rodriguez, ou à d'autres pistes dont les sonorités se trouvent plus proches de celles déjà explorées dans HARVEST, comme la superbe Cloverleaf, ou ROUND UP, qui s'intègrent parfaitement au reste. Mixture improbable entre le rap, le ragga, et le merengue, Loca Burnin', avec la participation au saxophone de l'acteur et excellent musicien Shinji Takeda, est d'ailleurs le compromis idéal entre l'ancien style de Dragon Ash et le nouveau.
Comme le démontre si bien Rio de emocion, Dragon Ash est encore capable d'évoluer afin de toujours frapper là où on ne les attend pas. Qui aurait pu prédire qu'après le rock et le hip-hop, le nouveau son du groupe serait latino ? Tout simplement personne. Le plus incroyable étant toujours la qualité de la musique qu'ils signent, quel que soit le style qu'ils empruntent. Dragon Ash est décidément un groupe extrêmement talentueux et intelligent, pour qui la folie et la prise de risque deviennent d'évidents atouts dans l'aboutissement de leur musique.
Après la première révolution hip-hop, voici la seconde, latino. Rio de emocion est certainement leur meilleur album depuis le big-bang musical qu'est Viva la revolution, et laisse présager de toutes aussi excellentes choses pour la suite. Inutile de mentionner que les petites moustaches à la Don Diego leur vont également à merveille.
