Y a-t'il une vie après Janne Da Arc ? Telle était la question que tout amateur du groupe était en droit de se poser après l'annonce de la pause de celui-ci. Yasu fût bien sûr le premier artiste du groupe en ligne de mire, étant sa voix mais aussi son principal compositeur. Et il n'attendit pas longtemps avant d'annoncer sa nouvelle formation, ACID BLACK CHERRY, composée actuellement de Yuki (DUSTAR-3) et d'AKIHIDE (BREAKERZ) aux guitares, de SHUSE (ex La'cryma Christi) à la basse et de JUNJI de SIAM SHADE à la batterie. En bref, que du beau monde. Après quatre singles hautement recommandables, sort début 2008 ce BLACK LIST. Que devons-nous attendre de cet album, alors que Janne Da Arc sur la fin se faisait de plus en plus pop ? On pouvait avoir peur d'un disque trop mou, mais au final c'est un contrepied parfait qu'effectue Yasu, qui livre ici douze compositions rock de grande qualité !
Dès l'introduction, nos oreilles décollent sur un surprenant sins, mid-tempo aux magnifiques envolées symphoniques mais qui cache un son heavy-metal que l'on avait pas entendu dans les compositions de Yasu depuis bien longtemps. En termes de violence, et de rapidité, on peut dire que depuis D.N.A, jamais le chanteur ne l'avait été autant. Car en terme de sonorité, et même si les deux groupes ont en commun le parolier et compositeur, les deux sont à la fois dissemblables et complémentaires.
On pourrait, pour prendre un parallèle japonais, assimiler ABC à une expérimentation dans la continuité de Janne Da Arc, à la manière de ce que fait un Kamijo entre LAREINE et Versailles. Car les sonorités sont ici bien plus grasses, bien plus agressives que par le passé. Ici, on fleure bon le heavy metal, même dans les compositions les plus douces du groupe comme Aishitenai ou Fuyu no Maboroshi, véritable power ballade à même de percer le coeur du barbu amateur de bière en chacun de nous (mais bridé bien sur, je suis pas sûr que le motard US soit vraiment fan du chant japonais).
Mais le tout est surplombé de riffs réussis et originaux, qui laissent exploser le talent des musiciens. Car quand on a des guitaristes de la trempe de Yuki et de AKIHIDE, on en profite et Yasu l'a bien compris. C'est ainsi que toute la panoplie des parfaits guitaristes passent dans les morceaux, distorsions à tout va, shred, riff qui tue, on sent que les deux six-cordistes se font plaisir à jouer les morceaux. SPELL MAGIC en étant une preuve parfaite, avec son mid tempo parfait pour le headbang et ses deux solos courts mais Ô combien jouissifs. On pourra citer aussi murder licence et son solo dans la plus pure tradition malmsteenienne où le manche chauffe à une vitesse d'exécution frôlant les deux cents battements par minutes... Il est vrai, appuyé par un passage en double pédale monumental sur lequel JUNJI doit s'amuser en live.
Car la batterie est ultra variée sur l'album, et derrière les riffs lourds se cachent de nombreuses influences allant bien plus loin que le metal. Ainsi le jeu se fait très posé sur la ballade de l'album, scar, voire carrément jazzy sur ce qui est la meilleure piste de l'album BLACK CHERRY. Quintessence parfaite de tout ce qu'est la formation, la chanson commence dans une ambiance de cabaret où l'on imagine sans problème une contrebasse et un piano derrière un chanteur, whisky à la main, laissant deviner les membres au détour d'un rideau de velours rouge. Celui-ci tombe et les notes deviennent folles, s'agitant en tout sens, laissant entendre derrière des riffs dansants des sons de cuivres et un piano hallucinés, où la basse de SHUSE est tout simplement explosive.
Porté par la voix tout en finesse de Yasu, le morceau s'ancre dans la tête grâce à un refrain entêtant, ne donnant qu'une envie, celle de s'agiter en rythme derrière ce tube à la fois heavy et dansant. Comme dit plus haut, Yasu porte le morceau, mais aussi le disque sur ces épaules. Sa voix ne faiblit pas depuis ses débuts, il y a de cela maintenant plus d'une décennie. Ses lignes de chant son toujours aussi réussies et variées, passant avec sa voix inimitable des graves aux aigües sans soucis aucun. Que ce soit dans les chansons rapides, ou dans les ballades, il s'en sort haut la main, comme le montre la surprenante DRAGON CARNIVAL et ses sonorités de claviers... Particulière, avec ses couplets très calmes avant de laisser s'envoler la voix dans les refrains.
De plus, il est aidé en seconde voix par SHUSE, qui en plus de livrer une basse que n'aurait renié ka-yu, se permet d'apporter avec brio sa pierre à l'édifice vocal de l'album, chantant énormément sur ce BLACK LIST. L'album se conclut par la belle PROLOGUE END, synonyme d'une fin d'album que l'on aura vu passer de part sa qualité, malgré sa durée conséquente d'une heure.
Pour un premier album, ACID BLACK CHERRY a livré un excellent disque de rock, qui prend son ampleur au fur et à mesure des écoutes. Car même si efficaces dès l'introduction dans le lecteur CD, les compositions de Yasu recèlent une richesse qui fait que chaque nouvelle écoute apporte quelque chose... Un riff que l'on n'avait pas entendu, une montée de piano, une harmonique par ci par là, tant de petites choses qui montrent l'étendue et la complexité des compositions de l'artiste. Ce BLACK LIST est donc l'une des meilleures surprises dans la catégorie rock de l'année 2008, avec l'excellent album d'ABINGDON BOYS SCHOOL. En espérant revoir un nouveau véritable album rapidement.