Renaissance. 7.5/10
Comment parler de D sans avoir envie de parler de gâchis ? En effet, ce terme évoque au mieux les deux derniers disques du groupe. Après un premier album, The Name Of The Rose, à l'aura culte dans le milieu visual kei de ce début de siècle, la formation d'Asagi vira petit à petit dans le nombrilisme le plus total, allant même jusqu'à frôler l'autoparodie sur nombre de morceaux du dernier album. Plus les chansons passaient, et plus les riffs se faisaient à l'inverse de l'impressionnante voix d'Asagi. Le groupe, passé major en ce début d'année a fait le choix de s'ouvrir par ce nouveau statut à un public élargi, autre que peuvent l'être beaucoup de fans sans discernement de ses débuts, prêts à suivre dans la bouillie auditive sa formation fétiche. C'est à se demander si le visual kei effectivement, ce n'est pas "écouter la beauté des membres" plutôt que des compositions. Qu'à cela ne tienne, tout porte à croire que le passage chez avex a donné des ailes au groupe qui livre aujourd'hui ce Genetic World diablement bon.
D a clairement durci le ton avec ce disque. Même si des réminiscences de son passé s'avère toujours présent, notamment dans la batterie dont les fondements restent profondément attachés au speed metal avec double pédale et roulements à foison, les riffs des guitares se font plus agressifs et acérés, plus lourds, pour flirter parfois avec des tempos véritablement neo-metal.
Colosseo est l'exemple parfait exprimant ce tiraillement musical qui symbolise l'évolution du groupe sur Genetic World. Après une introduction profondément épique, la chanson vire dans les couplets à un jeu de guitare très sec, profondément haché. Au même titre que Birth, premier single de l'album, et véritable tube, avec utilisation de violon entêtante et refrain puissant, Colosseo représente le défi de ce disque, à savoir réussir à garder ses fans tout en allant vers une musique plus grand public.
Attention, ne vous méprenez pas, par grand public, je ne veux pas dire que le groupe vire dans une power-pop niaiseuse, mais que les schémas techniques et musicaux sont moins alambiqués, plus neo-metal qu'auparavant. Bien lui en prenne tant cette petite évolution (car le groupe garde quand même une patte reconnaissable) lui permet d'éviter la répétition et la lassitude qui se profilaient à l'écoute des derniers albums. On ne demande pas au groupe d'évoluer certes, mais se fourvoyer à ressasser continuellement les mêmes riffs et les mêmes tempos sur trois albums, cela s'avérait du foutage de gueule. La formule, même si plus conventionnel, semble d'autant plus leur convenir. On peut légitimement se demander si le fait d'être plus encadré ne lui permet pas de tirer meilleur parti de lui-même plutôt qu'être en roue libre.
Au contraire, cela met profondément en exergue les qualités musicales des membres. La basse de Tsunehito se fait encore plus présente qu'auparavant avec des lignes inventives et originales, montrant à quel point la basse dans le groupe est un élément prépondérant depuis l'arrivée du musicien. Et puis, il y a bien sûr Asagi. On aura beau dire ce que l'on veut sur celui-ci, il est bien loin le temps où le charismatique chanteur ne se servait de sa voix de tête que pour cacher ses lacunes. Au fil des années et des disques, son coffre vocal s'est développé de façon impressionnante. Les variations sont nombreuses, inspirées, et les vocalises n'hésitent pas à vaquer du grave à l'aigüe sans couac, le rébarbatif gimmick du "je chante en me castrant" étant utilisé à bon escient pour une émotion décuplée.
Malheureusement l'album n'évite pas certaines chansons horripilantes. On va finir par croire que je n'aime pas les ballades, mais Snow White et les autres ballades de l'album sont l'exemple parfait de ce qu'il ne faut pas faire... Niaises et aux mélodies faciles, celles-ci ne présentent aucun intérêt musicalement, seule la voix d'Asagi parvient à sauver le tout... Heureusement le reste de l'album est d'un très haut niveau avec des tubes comme Hydrograph, ou la déjà connue Yami No Kuni Alice qui sont deux véritables délices mélodiques, dont il est difficile de se lasser. Et puis il y a LA chanson de l'album, Meteo~mubi no koku~, une des toutes meilleures chansons de D, où le rythme enlevé et les riffs de Ruiza et de HIDEZOU mettent en avant l'agressivité vocale d'Asagi. Un véritable régal ! Les deux guitaristes ont d'ailleurs relevé la barre, tant le jeu des guitares est de nouveau inspiré, tout autant que les solos, qui en mettent plein la vue avec un jeu en twin guitar d'une bien belle technicité.
Que cela est plaisant un bon groupe qui revient à son véritable niveau. Malgré quelques fausses notes sur lesquelles nous serons indulgents, ce Genetic World est une petite bombe qu'il serait dommage de rater. Que ce soit pour le fan ou le nouveau venu, D retrouve la pleine mesure de ses moyens, preuve en est qu'un passage major peut faire avancer un groupe que l'indies condamnait à se répéter indéfiniment. En espérant que la carrière de D connaisse un nouvel essor, chose que laisserait clairement entendre les chiffres de vente plutôt bons pour un groupe de ce genre.