LUNA SEA a décroché la lune et fait rêver son public européen

Il y a deux ans, LUNA SEA annonçait un concert exceptionnel au Tokyo Dôme, faisant rêver les fans du monde entier. Le Japon restant loin pour beaucoup, cela n'était jusqu'alors qu'un rêve inaccessible pour les fans européens. Mais lorsque le groupe a annoncé son retour sur scène pour une tournée mondiale, leur sang n'a fait qu'un tour. Fan de la première heure ou non, l'information a réveillé l'enthousiasme pour un groupe qui est souvent cité comme une référence musicale dans le milieu visual kei.

Le 27 novembre 2010, c'est la ville industrielle allemande de Bochum qui accueille le quintette. La ville, qui reçoit généralement des groupes de visual kei au Zeche où GACKT a notamment fait son show, ouvre cette fois-ci les portes du Ruhrcongress. Devant la salle, peu de gens semblent avoir eu la force d'affronter une attente dans le froid. Mais peu avant l'ouverture des portes vers 17h, les rangs se gonflent et l'on peut y voir un public impatient venu de nombreux pays. Des Allemands, mais aussi beaucoup de Français ont fait le déplacement, d'autres Européens, et même quelques Japonais ou Brésiliens. L'organisation est d'un autre niveau comparée aux concerts du genre, tout comme la majorité des fans qui attend ce concert, nettement plus âgée que le paysage habituel.

Une fois dans la salle, première surprise : les rangées de chaises qui la remplissent. En effet, au vu d'une annonce parue précédemment, le concert était prévu en standing. Etait-ce pour occuper l'espace par peur d'une salle peu remplie ou par compassion pour un public moins jeune ? Cela reste une question sans réponse. A l'inverse, celle que certains ont pu se poser quant à cette disposition et son impact sur l'ambiance du concert ne laissera pas le doute planer longtemps. La foule, constituée d'un peu moins de deux mille personnes, s'encourage mutuellement une fois installée, et se met en condition, appelant le groupe entre deux olas. Une immense pleine lune illumine la scène, laissant comme surgir de la nuit le nom de LUNA SEA. Malgré une salle presque intimiste, la scène est appuyée de chaque côté par des écrans géants, qui, bien qu'offrant des gros plans appréciables, perdent beaucoup de leurs effets tant le talent des caméramans semble absent. On en arrive à se demander si la mise au point ou le cadrage sont des concepts si compliqués.

Surexcités, les fans comptent une à une les minutes de retard, mais la formation entre sans plus attendre sur scène sous un tonnerre d'applaudissements. Pas le temps de traînailler : LUNA SEA vient ici partager sa musique et chaque membre s'empare de son instrument. SUGIZO impressionne déjà, empoignant sa monstrueuse guitare à trois manches. Le concert commence sagement avec LOVELESS, histoire de laisser la foule entrer doucement dans son rêve. Avec Dejavu qui s'ensuit, l'ambiance monte d'un cran. La chanson est bien connue du public qui reprend avec entrain les refrains, et la mélodie de la basse de J ressort gaiement.

Dès la fin du morceau, RYUICHI prend la parole. Malgré l'emploi du japonais incompris par la grande majorité, la foule répond enthousiaste à ses appels. Le groupe enchaîne rapidement sur SLAVE, un peu plus violent. Le public, cantonné à rester à sa place par une annonce en début de concert, n'hésite pas pour autant à bouger de la tête et lever le poing sous les frappes précises et rapides de Shinya. Celui-ci envoie, dans l'euphorie, valdinguer ses baguettes à la russe à la fin de chaque chanson ou presque. Arrive alors END OF SORROW, un autre tube bien connu. Le son clair fait apprécier d'autant plus la voix de RYUICHI, dont l'expression est toujours aussi particulière. Celui-ci se tient simplement sur l'avant de la scène, sobrement vêtu. Ses fans l'accompagnent encore une fois sur les lignes les plus connues. Suivant cette même cadence, TRUE BLUE se fait alors entendre.

RYUICHI se lance de nouveau dans un petit speech, ajoutant cette fois-ci quelques bases d'allemand et d'anglais afin de chauffer la salle, si celle-ci ne l'était pas encore assez. Puis, l'air sensuel et grave de FACE TO FACE résonne. Le chanteur commence à ouvrir ses bras comme recueillant l'émotion du public qui se balance en rythme. J accompagne celui-ci en swinguant d'une jambe sur l'autre, tandis qu'INORAN se fait beaucoup plus discret à ses côtés. Gravity s'annonce sur fond de basse particulièrement vibrant. A l'opposé, le chant est léger à en faire planer la foule. Les guitares se démarquent également, criant parfois leurs notes stridentes. Mais le côté plus sombre revient au galop avec Ra-Se-N. La batterie s'associe à la basse, créant un battement hypnotique palpitant. Les fans semblent ainsi ne faire qu'un, suivant la scène avec attention. Et ce n'est rien en vu du morceau qui suit ! Alors que les lumières s'atténuent peu à peu pour n'éclairer plus que SUGIZO, celui-ci s'empare de son violon afin d'interpréter l'intro de Providence. Emerveillé par cette douce ritournelle, le public profite des accords acoustiques de la guitare d'INORAN avant de tourner à nouveau son regard vers SUGIZO. Mais le chant de RYUICHI n'en est pas pour autant ignoré, au contraire, celui-ci se fait même particulièrement touchant.

Le public conquis n'est pas dépaysé avec GENESIS OF MIND, une chanson tout aussi douce. Le refrain se fait cependant plus lourd et amorce une nouvelle cadence. Mais, plutôt que d'annoncer la suite, les membres quittent la scène à la fin de la chanson, à l'exception de Shinya. Le batteur reste en effet assis derrière son instrument surélevé sur une estrade et entame un solo puissant. Il tape chacune de ses peaux et fait vibrer les cymbales dans un rythme effréné, puis réduit la force de sa frappe à son minimum. Tambourinant de manière inaudible, celui-ci repart de plus belle et joue avec son public de plus en plus excité. C'est un véritable moment de communication, une osmose amusante pleine d'humour qu'offre Shinya à son public. Et celui-ci lui rendra bien via de nombreuses acclamations. Après quoi, J réapparaît également sur scène, sa basse rouge en main. Les deux compères présentent un duo très rythmé et particulièrement entraînant. Les deux instruments, souvent relégués au second plan, créent l'espace d'un instant un effet extraordinaire et convainquant, avec une musique assez dansante et singulière. J prend finalement la parole dans un anglais plutôt bon afin de saluer le public.

Après un léger changement de tenue, le groupe se retrouve à nouveau au complet sur scène et relance le concert avec FATE. INORAN semble se lâcher un peu plus, même s'il n'apparaît pas encore tout sourire comme son voisin bassiste. Le morceau assez court est comme une mise en bouche et ouvre la marche à STORM. SUGIZO, cheveux au vent, virevolte parfois dans sa tenue scintillante. C'est l'heure de DESIRE et les membres semblent s'en donner à cœur joie. SUGIZO et INORAN se rejoignent à genoux pour un jeu complice. Puis, retentit TIME IS DEAD au son nostalgique de tout une époque et au refrain accrocheur. Ce dernier, comme un hymne fédérateur un brin punk, uni dans un seul et même mouvement l'ensemble de la foule, qui en fait même trembler les gradins du Ruhrcongress. Celle-ci reprend les cris des musiciens d'une même voix et leur répond à pleins poumons avant que les guitares ne se distordent.

Dans cette effervescence un peu folle, TIME IS DEAD laisse place à la chanson ROSIER. La foule bouge les bras au rythme du morceau et entonne avec joie le refrain lorsque RYUICHI lui tend le micro. Cette composition très appréciée réjouit naturellement l'ensemble de l'auditoire. J s'occupe des lignes parlées de la chanson avant que les guitares ne reprennent leurs droits. Les cris de RYUICHI font écho dans la salle et les musiciens viennent haranguer les fans d'un côté puis de l'autre, comme si c'était le point culminant du concert. Les effets de lumière dignes d'un trombinoscope, déjà utilisés au début du concert à moindre dose, sont cependant limités. Par chance, aucun épileptique ne s'est découvert dans la salle. TONIGHT et son côté rock indémodable conclut alors ce concert dans une ambiance animée et joyeuse.

Le groupe quitte la scène rapidement, laissant le public l'acclamer de toutes ses forces pour le rappel. Ce dernier, encore sous l'émotion, semble impatient d'en profiter encore un peu plus, tapant des pieds et criant le nom du groupe à en perdre son souffle. LUNA SEA prend les fans par les sentiments en revenant sur scène pour y interpréter I for you. Les gradins sont animés par une vague de bras se balançant sur la mélodie de cette ballade. RYUICHI démontre son charisme par cette interprétation émouvante ; puis se laisse emporter par la plus rapide PRECIOUS..., pendant laquelle sa voix prend une dimension plus agressive. Le public, sentant la fin approcher à grand pas, se laisse transcender par les coups brutes de la batterie et la basse répétitive, par les chœurs repris par les membres et les accords charmeurs des cordes. RYUICHI s'approche de SUGIZO pour chanter à ses côté de manière fraternelle. Enfin, comme d' un souhait commun, WISH conclut le concert dans un atmosphère bienheureuse. Le groupe salue longuement son public comme s'il voulait faire durer ce moment encore et encore. Les cinq membres se donnent la main pour faire un saut final, imité par les fans qui, après ce concert tant attendu, se sentent proches les uns des autres.

LUNA SEA, après de longue années de séparation, n'a rien perdu de cet esprit collectif qui les réunissait d'antan. Au contraire, les membres semblent ne rien avoir gâché de leur complicité sur scène. Si chacun semble avoir entre-temps accentué sa personnalité et se détache en tant que musicien, cela n'a pas entaché pour autant la cohésion du groupe. Chacun semble même y avoir apporté un plus. La prestation a peut-être eu des défauts, que ce soit quelques solos imparfaits ou le timing un peu juste du chant, mais le professionnalisme et l'expérience du groupe n'a fait remarquer aucune fausse note. Une sorte de respect qui émanait de la scène, accompagné d'une joie évidente d'être là et de partager ce moment avec les fans, a rendu cette proximité timide exceptionnelle.
Entre rêve devenu réalité et nostalgie, le public, plus mature, a pris son pied durant le concert, où les sièges placés dans la salle ont vite été oubliés. Les yeux scintillants, il est sorti de la salle la tête encore dans les étoiles, pas si loin de la lune. Si le concert aurait pu être plus grandiose, le groupe a su répondre aux attentes de ses fans, sans en faire trop, mais juste ce qu'il faut pour faire rêver pendant plus de deux heures, et laisser un goût sucré et l'espoir d'un retour prochain.

Setlist :

1 LOVELESS
2 DEJAVU
-mc
3 SLAVE
4 END OF SORROW
5 TRUE BLUE
-mc
6 FACE TO FACE
7 gravity
8 Ra-Se-N
9 Providence
10 GENESIS OF MIND
11 Shinya Drum Solo ～ J Bass Solo
12 FATE
-mc-
13 STORM
14 DESIRE
15 TIME IS DEAD
16 ROSIER
17 TONIGHT
 
ENCORE + MC
18 I FOR YOU
19 PRECIOUS...
20 WISH
 
SE MOTHER AND PRECIOUS